Les consommateurs connaissent très mal notre métier d’agriculteur. C’est pour ça que j’ai moi-même commencé à faire de l’ « agvocacy »! Ce blogue dans Agricom, il sert à ça! Si à chaque fois, je réussis à sensibiliser une seule personne, j’ai pour mon dire que ç’a valu l’effort.
Si vous voulez savoir comment parler aux consommateurs de manière à ce qu’ils comprennent, j’ai un conseil pour vous : n’utilisez pas le langage (et l’attitude) d’un spécialiste qui pète plus haut que le trou! Parlez-leur comme s’ils étaient vos enfants.
Quand mes filles étaient toutes jeunes, je les apportais au champ pour prélever des échantillons de sol. « Mom, pourquoi tu fais ça? »
Je leur expliquais avec des mots simples : c’est comme toi quand tu vas chez le docteur, des fois, il prend une prise de sang pour trouver des indices sur ta santé. C’est la même chose avec les sols. On met la terre dans un sac au lieu d’un petit contenant et on l’envoie au laboratoire, comme on le fait avec ton sang!
Aujourd’hui, c’est tellement facile de s’informer et d’informer les autres. Avec internet, le monde est à notre portée. J’encourage toutes les agricultrices et les agriculteurs à prendre la parole. Pas besoin d’avoir un blogue. Mais de grâce, quand quelqu’un vous pose une question sur l’agriculture, répondez-leur dans un langage simple. Ne parlez pas en docteur!
Quand tu quittes le médecin avec une ordonnance pour un médicament et que t’as rien compris de ce qu’il t’a expliqué, tu te dis : coudonc, il n’aurait pas pu utiliser des mots que je comprends!
Santé des sols
Les analyses de sol servent à vérifier la fertilité, champ par champ. Nous pouvons ensuite ajuster les doses de fertilisant, pour mettre juste le bon montant, au bon endroit. C’est bon pour notre portefeuille et c’est bon pour la planète.
La santé des sols, c’est aussi une question de prévention. Par exemple, on réduit au minimum la circulation dans les champs pour éviter la compaction du sol, ce qui réduit la consommation de diesel.
Nous avons introduit sur nos terres des « engrais verts », qu’on appelle aussi « cultures de couverture ». Quand la culture principale est récoltée, le sol demeure couvert de verdure. Ces cultures de couverture préviennent l’érosion du sol par le vent ou la pluie. Elles apportent aussi de la matière organique qui enrichit la terre.
Tout cela, j’aurais pu vous l’expliquer dans des termes agronomiques, mais je vous aurais perdu avant la fin de ma chronique!
Si seulement les consommateurs voyaient comment la santé des sols chez nous et chez tous les producteurs, on la traite comme notre propre santé! Elle nous tient à coeur et on cherche toujours à lui apporter le meilleur.
Parfois, j’ai l’impression que nous prenons plus soin de la santé de nos sols que de la nôtre! Pendant les grosses périodes de travaux aux champs, on fait de grandes journées et on se couche fatigué. On fait quand même tout ce qu’on peut pour s’occuper de nos sols, au détriment parfois de notre santé physique et mentale.
Mais tout cela n’a pas de prix. Nous observons déjà le résultat de nos efforts. Nos sols se portent de mieux en mieux et à long terme, ils se porteront encore mieux.
Je n’ai aucun diplôme ou certificat de spécialiste en agronomie. Par contre, j’ai plus de 20 ans d’expérience sur le terrain en agriculture. À mon avis, ç’a autant de valeur qu’un diplôme affiché dans un bureau! Des erreurs pour apprendre, on en a fait!
La santé des sols, c’est comme la santé d’un membre de la famille. S’il y en a un de malade, tout le monde le ressent. Si un champ est moins performant, cela affecte nos rendements et notre rentabilité. On doit chercher à voir ce qu’on a fait pour en arriver là, ou plutôt, ce qu’on a pas fait.
Il est toujours à notre avantage de prendre soin des nos terres. On donne des nutriments à nos sols, pour qu’ils demeurent performants. Et nous, qu’est-ce qu’on fait pour rester en santé et allumé, pour être de bons gestionnaires? On prend nos multivitamines! Faut juste pas oublier…
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Les cultures de couverture font aussi de très belles fleurs. Ici, du pois fourrager avec des radis. PHOTO : Sandra Clément
Sandra Clément, 43 ans, est productrice de grandes cultures à Embrun, dans l’Est ontarien. Elle est aussi membre du conseil d’administration de l’UCFO et membre fondatrice du Réseau des femmes en agriculture de l’Est ontarien.