le Vendredi 26 avril 2024
le Vendredi 13 janvier 2023 13:20 Opinion

Inflation et vols à l’épicerie

Un magasin de détail alimentaire de taille moyenne au Canada peut se faire voler entre 2 000 $ et 5 000 $ de produits par semaine. — Photo : gratisography-Pexels
Un magasin de détail alimentaire de taille moyenne au Canada peut se faire voler entre 2 000 $ et 5 000 $ de produits par semaine.
Photo : gratisography-Pexels
L’inflation alimentaire atteint des sommets tout comme le nombre de vols à l’épicerie. Attendez-vous à être de plus en plus surveillé pendant que vous faites vos emplettes.
Inflation et vols à l’épicerie
00:00 00:00

Le vol à l’étalage dans les épiceries a toujours existé, mais avec l’inflation alimentaire que nous connaissons, les commerçants craignent davantage les malfaiteurs.

En décembre, des Ontariens ont visité des magasins en Mauricie pour voler des pièces de viande totalisant une valeur de 4 000 $. À Sherbrooke, un homme a été arrêté à la suite d’un vol à l’étalage survenu quelques jours avant Noël et les policiers recherchent toujours deux autres personnes en lien avec ce méfait. Ils avaient volé pour plus de 2 000 $ de produits alimentaires.

Ces voleurs n’en étaient pas à leur premier larcin. Le volume de leurs prises nous indique qu’ils visaient un marché de revente, un marché noir, probablement pour la restauration clandestine.

Sujet tabou

Ces cas ont connu une couverture médiatique, mais la plupart des vols et des incidents sont traités directement par les gestionnaires de l’établissement. La majorité des infractions se produisent en magasin pour quelques produits seulement. Des vols à l’étalage effectués par des personnes poussées par le désespoir, la négligence ou un mélange des deux.

Les incidents les plus dommageables financièrement résultent des vols commis par les employés à l’interne. Peu de ces cas font la manchette. Pourtant, les quantités et la valeur sont généralement très importantes. On en parle peu et le sujet est un tabou dans le secteur.

Pour cette raison, il demeure très difficile d’obtenir des données sur le vol dans le domaine alimentaire. Toutefois, avec un taux d’inflation alimentaire qui dépasse le taux général de l’inflation depuis un an, le secteur de l’alimentation réalise que le problème du vol à l’étalage s’aggrave énormément.

Selon des données publiques, un magasin de détail alimentaire de taille moyenne au Canada peut se faire voler entre 2 000 $ et 5 000 $ de produits par semaine. Avec des marges bénéficiaires minces, ce montant prend de grandes proportions. En principe, nous payons tous pour ces vols.

Surveillants en habillés en civil

Certains magasins prennent les grands moyens. Il y a certes des agents de sécurité à l’entrée, mais il y a aussi de plus en plus de surveillants incognito, habillés en civil, qui patrouillent dans les allées de l’épicerie toute la journée en faisant semblant de faire leurs emplettes. Cette tactique discrète fonctionne à merveille.

Ailleurs dans le monde, certaines méthodes passent moins inaperçues. Des magasins aux États-Unis, en Europe et ailleurs, ont apposé des dispositifs antivols directement sur l’emballage de certains produits, principalement sur des pièces de viande, des fromages et des confiseries. Aux dernières nouvelles, aucun marchand n’avait encore utilisé ce système au Canada. Mais ne soyez pas surpris de les voir apparaitre éventuellement. Il faut d’ailleurs s’attendre à voir davantage de caméras, plus de surveillants et une sécurité accrue. Les marchands n’ont pas le choix.

Charriot intelligent

La surveillance aux caisses libre-service devra aussi être améliorée. La technologie n’est pas encore à point pour freiner le vol. En limitant le travail et la manutention requis par le consommateur à la sortie, les risques diminueront.

Un charriot intelligent qui comptabilise le contenu automatiquement, comme le Smart Cart, ou cette boite noire géante dans laquelle nous plaçons tous nos produits à la caisse pour que la facture se calcule en quelques secondes. Génial! Mais au Canada, nous ne sommes pas rendus là.

À Memphis en 1916, le premier supermarché au monde, Piggly Wiggly, ouvrait ses portes avec un concept révolutionnaire pour l’époque. Dans ce nouveau supermarché libre-service, les clients avaient le droit de circuler dans les allées par eux-mêmes. Comme aujourd’hui, un client recevait un panier et choisissait parmi les différents articles qu’il voulait. C’était il y a 107 ans et à l’époque, la principale crainte était le vol.

Plus ça change…

Sylvain Charlebois est directeur principal du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie, à Halifax