Le 5 mars 2016, Yves et Lyne Gauthier assistent à l’effondrement de leur étable construite un an plus tôt. Lyne voit une fissure dans le plafond. Elle téléphone à Yves qui vient aussitôt. Le couple examine la fissure, ils entendent un violent craquement et sortent en vitesse. Dehors à temps, Lyne peut filmer l’affaissement d’une partie du toit de l’édifice. C’est la consternation à Earlton, un village du Nord de l’Ontario.
Il y a 300 vaches dans l’étable. Rapidement des volontaires arrivent. « Il y avait bien une trentaine de véhicules. Des gens sortaient de partout », se souvient Yves. Ils déterrent les animaux morts, il y en a 19. Pendant ce temps, Yves au cellulaire cherche des fermes d’accueil pour les vaches. Le troupeau sera installé dans huit fermes dont quatre, aussi loin que dans la région de Guelph. Dès cinq heures le lendemain matin, le dernier chargement d’animaux quitte la ferme.
« J’ai appris à apprécier ces amitiés avec les autres fermiers, ils se sont donnés beaucoup. C’est touchant toute cette entraide », apprécie Lyne.
Le père d’Yves, Albert Gauthier, était alors en Floride. Avec les technologies d’aujourd’hui il a pour ainsi dire vécu le drame en ligne. « On savait qu’ils voulaient reconstruire. Pour moi, c’était important que ça continue. Ça nous était arrivé d’avoir perdu l’étable à cause d’une tornade alors qu’on venait d’acheter la ferme deux ans plus tôt. De voir l’étable d’Yves écrasée, ça nous a fait très mal », rapporte M. Gauthier qui, avec son épouse Jeanne d’Arc, a partagé le désarroi de leur fils et de sa conjointe.
On se relève les manches
Malgré la bonne volonté, les planètes ne semblent pas alignées pour ce projet. La reconstruction de l’étable s’avère un cauchemar. « Tout ce qui pouvait aller mal est mal allé », affirme Yves. « Une vraie torture », ajoute Line. Le couple apprend le jour où les travaux doivent commencer que la compagnie qu’ils ont choisie pour la construction est en faillite. Tout est retardé de six semaines. Puis, choisir ensuite la compagnie avec la plus basse soumission n’a pas semblé une bonne idée. Lyne exprime sa colère : « Cela a pris le double du temps pour le toit. Syndicalisme de la construction et vie à la ferme, c’est inconciliable. C’était frustrant », dit-elle. Pour sa part, même si Yves se faisait dire : « C’est ton projet » tout était tellement compliqué qu’il a eu le sentiment qu’il n’avait pas le contrôle de la situation.
L’effondrement du toit de l’étable est attribuable à un problème de structure a conclu sa compagnie d’assurance. Yves a dû fournir beaucoup de documentation pour justifier ses demandes, mais cela dit, il considère avoir été très bien servi par cette dernière. Au sujet des assurances, Yves recommande fortement aux fermiers de prendre une assurance pour perte de revenus de 18 mois au lieu de 12. Il suggère aussi aux sinistrés de se renseigner auprès de ceux qui ont déjà vécu cela. Il est reconnaissant envers Norm Cook, un gros cultivateur du coin, pour ses précieux conseils.
Le 5 avril 2017, c’était le début du retour des animaux dans la nouvelle étable. Malgré toutes les précautions, les pensionnaires sont revenus en moins bon état. Il y a des pneumonies, de la diarrhée et des problèmes de pieds. Il faudra aussi acheter une cinquantaine de vaches pour rebâtir le troupeau laitier de 160 têtes. En attendant, la production est en dent-de-scie, mais il y a quand même du positif. « Au moins, on avance. Il y a du progrès. Quand tu agis, tu reprends le contrôle », mentionne Lyne.
En pensant à son expérience, Yves vous dira « En agriculture, tu fais face à des problèmes et celui-ci en a été un gros. Ma grange est tombée, mais si j’avais à choisir entre ce qu’a vécu mon frère avec le décès de son épouse et perdre ma grange, je préfère ce qui m’est arrivé. Ce n’est rien ce que j’ai vécu! Puis on s’en est sorti pas si mal et j’ai bien appris. »
Pour Lyne, le drame a eu un aspect additionnel. « Pour moi, ce n’est pas juste le toit de la grange qui s’est effondré, ça représente des années de dévouement, de sacrifices et de privations. Il y a eu beaucoup de nuits blanches pour améliorer la génétique du troupeau. Tout cela s’est envolé dans les airs. Puis, c’est épeurant de recommencer à neuf. » En contrepartie, Lyne admet son bonheur d’avoir maintenant ses animaux : « C’est excitant! »
Comme ils avaient mûrement établi les plans de la dernière étable, le couple a décidé d’en reproduire la copie. L’étable neuve de 48 000 pi2 est comme par le passé, équipée de trois robots de traite.