Agence Science-Presse (www.sciencepresse.qc.ca)
Une fois par 20 ans, les « gardiens » de cette expérience scientifique se réunissent la nuit, dans un endroit connu d’eux seuls, et déterrent quelques graines.
Tout avait commencé il y a 142 ans, en 1879, lorsque le botaniste William James Beal, de l’Université du Michigan, s’était posé une question à la fois simple et compliquée : après combien de temps laissée en dormance une graine peut-elle encore germer ? Il avait donc enterré quelque part sur le campus de son université 20 bouteilles remplies de sable et contenant chacune 50 graines de chacune des 21 espèces choisies, de la moutarde noire jusqu’au trèfle blanc en passant par l’amarante réfléchie. En confiant à ses successeurs la tâche de déterrer une bouteille tous les cinq ans et de comparer les « performances » de chaque espèce.
Avec les décennies, le nombre d’espèces résistantes avait diminué petit à petit, donnant aux successeurs du professeur Beal l’idée d’espacer les récoltes, pour faire durer les bouteilles le plus longtemps possible. Plus tôt ce mois-ci, la 16e a été récoltée, ce qui veut dire qu’à raison d’une par 20 ans, l’expérience pourrait se poursuivre jusqu’en l’an 2101. S’il ne s’agit pas de la plus vieille expérience du monde toujours en cours, il s’agit fort probablement de la plus vieille en botanique.
Certes, la technologie n’est plus du tout la même. Aujourd’hui, il est possible de regarder l’intérieur de la graine avant de la planter et sans même l’ouvrir ; les connaissances acquises en génétique permettent aussi de prévoir à l’avance que certaines échoueront. Mais les botanistes de l’université n’ont pas abandonné leur rituel qui est devenu, à l’insu de ce qu’avait prévu William Beal — il espérait des découvertes susceptibles de venir en aide aux agriculteurs — une expérience d’histoire des sciences en même temps que de botanique.
Et des idées qui n’étaient pas dans le décor en 1879 se sont également ajoutées. La dernière décennie a ainsi vu naître des projets d’entreposage de semences agricoles pour les générations futures, au cas où une catastrophe planétaire se produirait. La question de la période de temps pendant laquelle une graine peut survivre prend donc un tout autre sens, en plus des conditions idéales pour augmenter ses chances.
La championne : la molène blattaire (Verbascum blattaria), une plante à fleurs jaunes dont la moitié des graines récoltées en l’an 2000 avaient germé. La « récolte » suivante devait avoir lieu en 2020, mais un certain virus est venu changer les plans.
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