
Clint Cameron croit que les discussions entre le CN et les agriculteurs étaient parties sur la mauvaise voie.
Tous les passages à niveau sous réglementation fédérale doivent répondre aux nouvelles exigences de sécurité en date du 28 novembre 2024. Or, cette mise à niveau coûte très cher et quelqu’un doit payer: la compagnie ferroviaire ou le propriétaire du terrain. Une centaine de propriétés sont visées au Canada, ce qui signifierait une facture astronomique de 100 à 200 millions pour le CN. Mais l’agriculteur qui reçoit une facture de 600 000 à deux millions de dollars risque la faillite.
Une entente vieille de 137 ans
« L’article 102 de la Loi sur les transports au Canada stipule que si le propriétaire d’un terrain peut prouver que sa propriété a été divisée par l’aménagement du chemin de fer et qu’il n’existe aucun autre moyen d’accéder d’un côté à l’autre sans franchir la voie ferrée, la compagnie ferroviaire doit fournir et entretenir un chemin de traverse convenable », explique Clint Cameron, directeur de la Zone 11 de la Fédération de l’agriculture de l’Ontario (OFA).
Toutefois, l’agriculteur qui veut se prévaloir de son droit d’échapper à la facture doit prouver que le chemin de fer divisant sa propriété a été construit après 1888, année où les propriétaires fonciers ont obtenu le droit d’obtenir des traverses privées. « Il devra prouver que la terre des deux côtés du chemin de fer a toujours été une seule et même propriété indivise depuis 1888 et que l’un des deux côtés n’a jamais été vendu », précise-t-il.
M. Cameron est lui-même à la fois propriétaire et locataire de terres traversées par un chemin de fer dans la région de Cardinal en Ontario. « Curieusement, je n’ai reçu aucun avis, contrairement à mon voisin. Quand il m’a montré la lettre en juin, j’en ai immédiatement informé la direction de l’OFA. »

Le député fédéral Francis Drouin affirme qu’il n’acceptera jamais que les agriculteurs se retrouvent avec la facture pour la mise à niveau des chemins de traverse.
Branle-bas de combat
L’organisme prend acte de la situation et multiplie les démarches auprès de diverses instances afin de renverser la décision du CN. Selon l’OFA, les agriculteurs qui ne peuvent pas assumer ces coûts supplémentaires risquent de devoir fermer les passages à niveau, ce qui leur couperait l’accès à certaines de leurs terres agricoles. Le coût des améliorations obligatoires pourrait rendre certaines parties des terres agricoles inaccessibles, menaçant ainsi leurs moyens de subsistance et la production agricole.
L’une des personnes approchées par l’OFA est le député fédéral dans Glengarry-Prescott-Russell, Francis Drouin. Ce dernier s’est dit surpris par l’exigence et son impact sur les agriculteurs ontariens. « On parle d’agriculteurs qui traversent le chemin de fer deux, trois fois par année lors des semailles et des récoltes. Jamais je n’accepterai qu’ils se retrouvent avec une facture de 600 000 à deux millions de dollars pour sécuriser ces chemins de traverse », assure-t-il.
Qualifiant la situation de « guerre macho entre la compagnie ferroviaire et Transport Canada », M. Drouin jette une partie du blâme sur les associations d’agriculteurs qui ont selon lui, manqué à leurs devoirs dans ce dossier. « Il y a des consultations à ce sujet depuis 2013-2014 après un accident survenu à Ottawa », dit-il. « Les associations avaient amplement le temps de voir venir le coup. »
Entente raisonnable
Tandis que le député croit qu’un entêtement du CN conduirait fatalement à une contestation devant un tribunal d’arbitrage, Clint Cameron se fait rassurant: « On parle d’une centaine de propriétaires concernés et là-dessus, il reste une dizaine de cas qui n’ont pas reçu d’exemption. Un agriculteur a décidé de fermer son chemin, trois ont obtenu un ralentissement du train sur leurs terres. Je pense qu’il y a une volonté de trouver un compromis. »
Et son voisin? « Il a constaté que les équipes du CN sont venues débroussailler les abords de la voie ferrée et ont installé un panneau d’arrêt. Ils lui ont essentiellement dit d’être prudent et que s’il n’entendait plus parler d’eux, il pourrait alors considérer le dossier clos. »
L’OFA croit fermement que toutes les compagnies de chemin de fer devraient honorer leurs obligations actuelles concernant les passages à niveau et le drainage privés. « Nous pensons qu’il est inacceptable que les compagnies de chemin de fer révisent unilatéralement les termes des accords existants au détriment des agriculteurs », conclut M. Cameron qui assure que l’OFA continue d’ouvrir l’œil.
Les agriculteurs ontariens voient donc la lumière au bout du tunnel. Tant que ce n’est pas celle d’un train qui arrive…
IJL – Réseau.Presse – Agricom