Jackson, 4 ans, vient parfois donner un petit coup de main à sa mère au poulailler. « Il fait des petites choses, il m’aide à balayer », raconte en souriant sa maman.
Sa maman, c’est Véronique Beauchesne, qui gère avec ses deux sœurs la ferme familiale 3V Beauchesne, une entreprise avicole qui compte 58 000 poules pondeuses, située à St-Isidore, dans l’Est ontarien. En regardant son fils et sa belle-fille, madame Beauchesne ne peut s’empêcher de penser qu’un jour, son fils et sa belle-fille pourraient prendre la relève.
Sa sœur, Valérie, est celle qui s’occupe surtout des finances de la ferme familiale. Elle aussi a une jeune enfant, Emma, à peine deux ans. Quant à la cadette, Vanessa, qui est plus versée dans les communications au sein de l’entreprise, elle a accouché récemment de Beau.
« On commence à en parler avec notre fiscaliste, on veut savoir comment ajuster nos testaments, on veut pas avoir des chicanes avec ça », explique Valérie, qui est l’ainée du trio.
« Financièrement, ce sera plus facile pour eux si on est bien préparées », ajoute-elle.
Les trois sœurs Beauchesne sont bien placées pour comprendre l’importance de préparer une relève. Après le décès de leur mère, en 2001, leur père a transformé la ferme laitière en ferme avicole, ce qui lui permettait de passer plus de temps avec ses filles. Survient alors le décès du père en 2010 et les trois sœurs se retrouvent soudainement héritières alors qu’elles étaient mineures toutes les trois.
Heureusement pour elles, Jacques, leur papa, avait pondu un plan pour assurer la relève. L’oncle et la grand-mère des sœurs Beauchesne ont veillé au grain jusqu’à ce qu’elles obtiennent leur majorité. « On aurait pu mal dépenser notre argent mais notre père avait bien préparé les choses », assure Valérie.
Ce type de prévoyance est loin d’être la norme dans leur industrie.
En effet, en 2021, seulement 12,4 % des exploitations agricoles de l’Ontario ont déclaré avoir un plan de relève selon Statistiques Canada.
« L’âge moyen des cultivateurs en Ontario est de 58 ans et pour faire une bonne transition, ça peut prendre un bon 10 ans », insiste Michel Dignard, premier vice-président de l’Union des cultivateurs franco-ontariens. C’est d’ailleurs le temps que cela lui a pris pour prendre le relais de de la ferme familiale.
« Avec la valeur des fermes aujourd’hui, qui tourne autour de 10 millions de dollars, et toutes les connaissances que ça prend pour gérer l’entreprise, 10 ans, c’est pas trop », ajoute-t-il.
À toutes les questions fiscales et de transfert des connaissances, il faut ajouter le choix d’un tuteur, d’un exécuteur testamentaire et prévoir l’accès à des fonds pendant le règlement de la succession, surtout lorsque le destin frappe, comme ce fut le cas des sœurs Beauchesne.
Aujourd’hui, les 3 V (Véronique, Valérie, Vanessa) ont non seulement gardé la ferme paternelle mais elles l’ont fait prospérer: 58 000 poules pondeuses, des installations ultra-modernes, 400 acres de terrain, etc. Et les trois sœurs sont toujours les seules actionnaires de l’entreprise.
On comprend que les trois sœurs veuillent garder la ferme dans le giron familial.
Il est certainement encore loin le temps ou Jackson, Emma ou Beau (ou les 3, pourquoi pas?) pourra reprendre le flambeau, mais un peu de planification ne peut faire de tort.
« Ce sera aux cousins et aux cousines de décider s’ils veulent prendre la relève », conclut Véronique.
IJL – Réseau.Presse – Agricom