le Samedi 2 novembre 2024
le Mercredi 31 janvier 2024 15:16 Agriculture

Agriculture bio: deux plants, deux mesures

Culture hydroponique sans terre
Culture hydroponique sans terre
On pourrait croire qu’en matière d’agriculture biologique, toutes les initiatives sont bonnes et rallient les fermiers en consensus autour d’un thème: pas d’engrais chimiques, pas de pesticides. La réalité est qu’en agriculture comme en politique, il y a essentiellement deux clans qui s’affrontent: ceux dont l’idéologie est conservatrice et ceux qui prônent les nouveautés qui sortent des sentiers battus.
Agriculture bio: deux plants, deux mesures
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Jean-Martin Forter, agriculteur et auteur

« Personnellement, on ne me fera jamais manger un légume provenant d’une serre hydroponique. C’est comme avoir un soluté à l’hôpital: tu as l’essentiel, mais tu ne devrais pas vivre juste là-dessus. » Cette déclaration est d’autant plus surprenante qu’elle vient de nul autre que Jean-Martin Fortier, lui-même auteur à succès et agriculteur biologique!

Conservateur, traditionaliste même, M. Fortier estime que la terre apporte des nutriments et que le travail du soleil ne peut pas être aussi efficacement dupliqué de manière artificielle. « On s’égare avec la technologie. Il faut revenir à l’agriculture dans les champs », dit-il. Oui, mais la pollution atmosphérique émise par les véhicules sur les routes qui bordent les champs et l’impact des sels de déglaçage? « On peut aménager les champs plus loin », répond-il simplement.

Hydroponique, aquaponique

Lorsqu’on parle de culture en serre, il convient de distinguer les pratiques usuelles (en terre) des approches plus récentes, comme l’hydroponie et l’aquaponie. 

L’hydroponie a connu son âge d’or surtout par la culture (alors illégale) du cannabis. La pratique consiste essentiellement à faire pousser des plants à l’intérieur de bâtiments à l’abri des éléments (et des regards), dans un environnement contrôlé: taux d’humidité, température, irrigation, éclairage. 

L’aquaponie est moins connue et frappe peut-être davantage l’imagination: ici, la production ne pousse pas en terre, mais dans l’eau. Il s’agit souvent d’un bassin dans lequel vivent des poissons. L’eau qui est enrichie des déchets des poissons est dirigée vers les végétaux, qui en utilisent les minéraux. Ainsi purifiée, elle est retournée aux poissons, dont les déchets ne contiennent pas de coliformes fécaux potentiellement dangereux pour les humains.

Plants zombies?

Ainsi, est-il exact de dire qu’un plan poussant dans une culture hydro ou aquaponique a moins de valeur nutritive? Spécialiste depuis 20 ans des différents types de cultures intérieures, le professeur Youbin Zheng, de l’Université de Guelph, n’est pas prêt à franchir ce pas « en raison du trop petit nombre d’études publiées à ce sujet dans la littérature scientifique. »

Sa collègue Miyoung Suh, professeure au Département des sciences alimentaires et des sciences nutritionnelles humaines à l’Université du Manitoba, estime que la perception négative de certains envers les cultures en serre n’est pas fondée sur des faits. « L’eau est enrichie avec des nutriments qui sont mélangés avant de repartir dans la boucle. Je peux intervenir directement sur les conditions de pousse des légumes et obtenir un meilleur apport nutritif. »

Selon elle, le type de culture reste déterminant selon le résultat ultimement recherché. « En raison des normes sanitaires élevées, les systèmes hydroponiques peuvent produire des laitues qui sont généralement plus saines pour produire des salades. Par contre, si votre récolte nécessite des traces d’éléments minéraux ou micro-organismes dans le sol pour produire un arôme ou une saveur en particulier, alors la culture en terre est votre seule option. »

La spécialiste estime que le soleil ou l’air frais sont toujours essentiels. Selon elle, l’éclairage artificiel (avec le bon spectre et la bonne intensité) fonctionne tout aussi bien, tandis que la ventilation des serres fournit de l’air frais qui peut même être enrichi de CO2.

IJL – Réseau.Presse – Agricom