
Le professeur Sylvain Charlebois croit que le système canadien de gestion de l’offre protège une petite minorité de fermiers, au détriment de la collectivité.
Selon le système politique canadien, lors de la prorogation d’un gouvernement, les sénateurs restent en poste, mais les projets de loi qui étaient à l’étude au moment de l’ajournement des travaux parlementaires sont abandonnés. Pour être adoptés, ils devront à nouveau être présentés après l’élection d’un nouveau gouvernement.
C-282
Dans un premier temps, le projet de loi C-282 visait à accorder une immunité permanente aux secteurs sous gestion de l’offre — volaille, œufs et produits laitiers — lors des futures négociations commerciales.
« Cela aurait empêché le Canada de faire d’autres concessions sur ces industries, comme l’accès en franchise de droits à des produits étrangers tels que le fromage, le beurre, le poulet ou les œufs », explique Sylvain Charlebois, professeur titulaire et directeur scientifique du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire à l’Université Dalhousie à Halifax, en Nouvelle-Écosse.
« Actuellement, les droits de douane sur les produits soumis à la gestion de l’offre peuvent dépasser 300% pour les importations, un niveau de protectionnisme qui suscite l’irritation des partenaires commerciaux, en particulier les États-Unis. Le projet de loi C-282 aurait fait de la gestion de l’offre, une cible évidente dans les discussions bilatérales, exposant le secteur à des représailles ciblées », croit-il.
Réactions
L’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire s’était réjouie en novembre qu’un amendement proposé au projet de loi afin qu’il ne s’applique pas aux accords commerciaux existants ou à ceux en cours de renégociation ou en cours de négociation.
« Quatre-vingt-dix pour cent des agriculteurs canadiens dépendent du commerce pour vendre leurs produits », indique Greg Northey, président de l’ACCA. « S’il était adopté sans ces amendements importants, le projet de loi C-282 réduirait la flexibilité du Canada dans les négociations commerciales, ce qui entraînerait une perte de débouchés commerciaux et un accès affaibli aux marchés d’exportation. »

Mark Reusser estime que le projet de loi C-293 aurait pu conduire à l’élimination de l’élevage animal à des fins de consommation.
C-293
Dans un deuxième temps, le projet de loi C-293 a été présenté comme un moyen d’améliorer la préparation aux pandémies. Surnommé le “Vegan Act”, il incluait des dispositions visant à réduire les risques liés à la production de protéines animales et à promouvoir la consommation de protéines alternatives.
« Bien que l’innovation dans la production alimentaire soit importante, ce projet de loi franchissait une limite en semblant imposer un agenda alimentaire particulier — en l’occurrence, végétarien et végan — sous couvert de santé publique », dénonce le professeur Charlebois.
La Fédération de l’agriculture de l’Ontario (OFA) partage son point de vue, comme l’indique Mark Reusser, directeur exécutif à l’OFA: « Une section du projet de loi, par exemple, comprenait la réglementation de l’élevage industriel et l’élimination progressive des espèces à haut risque. Ces termes généralisés pourraient facilement être interprétés ou utilisés pour conduire à l’élimination de l’élevage. Ça suggère également que l’élevage de bétail au Canada a été à l’origine de pandémies, ce qui n’est pas le cas. »
Enfin, M. Reusser rappelle que les protéines d’origine animale comme la viande, la volaille, le poisson, les œufs et les produits laitiers sont reconnues comme des sources de protéines de haute qualité qui fournissent des nutriments, des vitamines et des minéraux essentiels à l’alimentation humaine. « Il n’existe aucune preuve qu’elles provoquent des pandémies – ni que la promotion de protéines provenant de sources alternatives réduirait le risque de pandémie », dit-il.
IJL – Réseau.Presse – Agricom