La caricature est un peu grosse, mais l’affaire est bien réelle. Entosystem, une entreprise québécoise en pleine croissance, cherche à établir une nouvelle usine soit en Ontario, soit aux États-Unis. Elle transforme des insectes en nourriture pour animaux et produit également de l’engrais.
« J’ai démarré en 2016 dans mon condo », explique le président d’Entosystem, Cédric Provost, « et l’an dernier, on a ouvert notre première usine à Drummondville. On prépare notre prochaine phase de croissance. Habituellement, les gens annoncent leur projet et cherchent ensuite les capitaux. Nous, on a fait l’inverse: on a les capitaux, on cherche maintenant où s’installer. »
Ce qu’Entosystem propose, c’est de réintroduire les nutriments dans la chaîne alimentaire grâce à la mouche soldat noire.
« Notre procédé consiste à récupérer les matières organiques non valorisées de la ferme à l’épicerie, en passant par la distribution et la transformation, pour ensuite les utiliser comme nourriture à nos larves qui, elles, les accumuleront dans leur corps en six jours sous forme de protéines, gras et autres nutriments. Ensuite, on les fait sécher et broyer en une riche farine pour l’alimentation des animaux d’élevage, notamment des poissons et volailles », dit-il.
En prime, les déjections des larves servent d’engrais à haute teneur d’azote, qui comblent un vide sur le marché: « Au Québec, 43% des produits azotés proviennent de Russie. On aide donc la chaîne alimentaire à être autosuffisante », indique le président.
Petites bibittes, grosses affaires
D’entrée de jeu, l’homme d’affaires n’en fait pas une cachette: présentement, 80% de ses ventes se font au sud de la frontière et l’attrait d’implanter la nouvelle usine aux États-Unis est bien réel. Mais il est plus complexe de s’installer là-bas que de rester au Canada. Il rêve de voir sa moulée protéinée remplacer la viande dans la nourriture pour chiens et chats, ce qui aurait un impact environnemental majeur selon lui.
Quelles sont donc les qualités qu’une municipalité doit avoir pour séduire l’entrepreneur et accueillir la nouvelle usine?
« Il faut d’abord qu’on ait accès à environ 250 tonnes de matière organique par jour, à courte distance de l’usine pour éviter les pertes dans le transport. Après, il faut qu’il y ait une demande régionale pour la matière organique que nous produisons. Viennent ensuite l’accès à la main d’œuvre et l’acceptabilité sociale d’accueillir une usine qui produit des larves de mouches soldats noires. »
Si on lit entre les lignes, on peut comprendre que l’usine verra le jour en périphérie d’un grand centre, près des lignes américaines et à proximité de terres agricoles. Quant à l’échéance, l’entrepreneur espère arrêter son choix d’ici la fin de l’année et amorcer les travaux de construction en 2026.
La compétition
Agricom rapportait récemment que des grappes de recherches ontariennes cherchent à faire du biocarburant avec les résidus agricoles. Cédric Provost ne s’inquiète pas pour autant du risque de perdre sa matière première au profit d’autres entreprises. « Nous sommes les seuls à pouvoir traiter les produits emballés et on n’utilise pas les mêmes intrants qu’eux. »
Il existe déjà des entreprises ontariennes qui font de la farine à partir de criquets broyés, mais il s’agit d’un marché différent puisque la farine produite par Entosystem n’est pas destinée à la consommation humaine. L’entreprise carbonégative n’entrevoit d’ailleurs pas demander à ce que son produit soit homologué en ce sens. « L’acceptabilité de la nourriture à base d’insectes est plus facile chez les propriétaires d’animaux que pour les humains », avoue sans surprise M. Provost.
Votre région sera-t-elle choisie pour accueillir la nouvelle usine d’Entosystem?
IJL – Réseau.Presse – Agricom