Le 10 décembre dernier, le Dr Yvon Martel d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, recevait des mains du greffier du Conseil privé le Prix en chef de la fonction publique dans la catégorie «valorisation et soutien des gens», prix décerné annuellement à des fonctionnaires qui se distinguent par leur souci de l’excellence et leur service exceptionnel. Agricom a rencontré le Dr Martel, à son bureau, sur la Ferme expérimentale à Ottawa.
«À chaque année, ces prix institutionnels sont remis afin de reconnaître la contribution de fonctionnaires au rayonnement des valeurs du gouvernement fédéral. Pour l’année 2001, j’ai appris que mon nom avait été soumis par des collègues sous la présidence de Jean-Louis Deveau, dans la catégorie ?valorisation et soutien des gens’», souligne le Dr Yvon Martel.
On ne reçoit pas un tel honneur sans pour autant l’avoir mérité. Le Dr Martel ne déroge pas à cette règle. Depuis plus de 20 ans, Yvon Martel travaille à un seul but: la satisfaction et la valorisation de l’employé et de l’employeur envers l’emploi.
Un Canadien pur laine
Né à Sherbrooke, Yvon Martel a grandi dans le petit village de Brigham, dans les Cantons de l’Est au Québec. Il a toujours eu un attrait pour l’agriculture. Après un passage au Séminaire de Saint-Jean-sur-Richelieu, il s’inscrit, en 1963, à l’Université Laval, d’où il sortira quatre ans plus tard avec un Baccalauréat en sciences agricoles. Voulant pousser ses connaissances au maximum, ce dernier décide alors de continuer immédiatement vers le doctorat.
«Jusque dans les années 1960, il y avait une certaine mode: pour obtenir un doctorat en agriculture, on s’exilait aux États-Unis. À cette époque, les universités canadiennes, en matière d’enseignement en agriculture, n’avaient pas le même prestige qu’aujourd’hui. Pour favoriser la formation au Canada, le gouvernement fédéral a lancé, en 1967, un programme de bourses, appelé Bourses du Centenaire. De l’ordre de 5000 $ par année, cette généreuse bourse était remise aux meilleurs étudiants qui voulaient obtenir un Ph.D. dans une université canadienne», se souvient Yvon Martel.
Ce dernier fait donc une demande d’admission à l’Université de la Saskatchewan. «Je ne voulais pas pour autant suivre la mode. Il y avait là une belle occasion de rester au Canada et j’ai décidé de la saisir», avance-t-il.
Pourquoi avoir opté pour l’Université de la Saskatchewan, en plein c’ur des Prairies canadiennes’ «Le gouvernement fédéral, par ces Bourses du Centenaire, voulait favoriser l’unité canadienne et les échanges entre les provinces. L’Université de la Saskatchewan avait une bonne notoriété, j’ai donc fait une demande d’admission, qui a été acceptée», relate celui qui a terminé son doctorat en 1972 avec une spécialisation dans les matières organiques des sols.
À peine sortie des bancs d’école que le Dr Martel se trouve un emploi, à la station de recherches d’Agriculture Canada de Sainte-Foy. Il occupera un poste de chercheur scientifique, dans sa spécialisation des sols, pendant huit ans.
Se laissant guider par de nouvelles aspirations, Yvon Martel décide de laisser le côté chercheur des choses pour devenir un gestionnaire. Il accepte donc de prendre la direction de la station de recherches de Lennoxville, en 1980.
En 1984, Yvon Martel prend le chemin des Maritimes. Il y occupera les postes de Directeur de la station de recherches de Fredericton, au Nouveau-Brunswick (1984-1985) et de Directeur général de la recherche, région des Maritimes (1986).
À la suite d’une restructuration au sein même de la gestion des stations de recherches, qui verra la région de l’Atlantique se joindre à celle du Québec et de l’Ontario pour former la région de l’Est, Yvon Martel fait son entrée à la Ferme expérimentale centrale d’Ottawa, en 1987, pour prendre le poste qu’il occupe toujours aujourd’hui, soit celui de directeur général, région de l’Est, (qui est, à ce jour, devenu Scientifique en chef, Recherche agroalimentaire), à la Direction générale de la recherche à Agriculture et Agroalimentaire Canada.
L’Équité en matière d’emploi: un dossier qui le tient à c’ur
Au cours de toutes ces années à la gestion de centres de recherche, le Dr Martel s’est attardé à plusieurs dossiers, dont celui qu’il chérit encore aujourd’hui, celui de l’équité en matière d’emplois. «La société a connu de grands changements au cours des dernières décennies», indique Yvon Martel. Un de ces changements a été la venue d’un plus grand nombre de femmes dans le monde de la science. «À l’époque, il y avait des femmes qui travaillaient dans le domaine administratif mais il était rare de voir des femmes occuper des postes de chercheures, techniciennes ou de gestionnaires de la recherche», explique le scientifique en chef.
Afin de favoriser l’intégration des femmes dans des postes clés, le Dr Martel, comme directeur de centre, a travaillé à former un comité des droits de la femme en milieu de travail. «En bout de ligne, nous voulions que les femmes qui se présentent aux entrevues aient la même chance que les hommes» souligne-t-il, en précisant que «l’embauche se fait au mérite. Si je pense aux femmes qui sont à la tête des centres de recherches de Saint-Hyacinthe et de Charlottetown aujourd’hui, celles-ci ont obtenu le poste grâce à leurs compétences. Elles sont maintenant des ?leaders’ dans la gestion de la science».
Une nouvelle façon de voir les choses
D’autres projets concrets ont également été mis de l’avant par le Dr Martel. Ces initiatives ont permis d’attirer des personnes handicapées, des minorités visibles ainsi que des autochtones dans les centres de recherches d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. Ceci permet la diversité des idées dit-il et favorise l’avancement de la science.
Là ne s’arrête pas là les projets d’Yvon Martel. En effet, depuis peu, le centre de recherches de Lennoxville est l’hôte d’un projet pilote visant, cette fois-ci la surcharge de travail. «Nous nous sommes rendu compte au cours des dernières années que le mode de vie de nos employés n’était plus le même que par le passé. De nos jours, il n’est pas rare de voir les deux conjoints travailler, ou même une personne monoparentale, et ce, malgré le fait qu’ils aient un, deux ou trois enfants. Afin de répondre à cette réalité, nous avons donc mis en place une équipe qui étudie comment nous pouvions conjuguer les obligeances professionnelles et les obligeances personnelles d’un employé afin que celui-ci ou celle-ci puisse être heureux/heureuse», indique Yvon Martel.
L’équipe a donc développé une étude qui vise à identifier les valeurs d’un bon employé et celles d’un bon employeur. «On est conscient que les employés ont une vie privée et des contraintes propres à chacun. Le but est d’arriver à harmoniser toutes les obligations, et ce à tout âge; que ce soit une personne qui a de jeunes enfants ou un individu qui doit veiller sur ses parents malades par exemple», avance-t-il.
Ce sont des petits gestes qui feront en sorte de maximiser la productivité de l’employé. «Si une personne préfère étaler son horaire sur quatre jours au lieu de cinq, nous allons tenter d’y arriver. Il est aussi facile de prendre des petites actions qui sauront satisfaire tout le monde, par exemple, décider de ne pas tenir de réunion avant 9h ou après 16h», présente le scientifique en chef, recherche agroalimentaire, à la Direction générale de la recherche à Agriculture et Agroalimentaire Canada.
Pour le Dr Martel, il était important de pouvoir s’adapter rapidement à la société changeante. «À la recherche, 75 % de notre budget d’opération est investi dans les ressources humaines, la satisfaction de l’employé devient donc primordiale», dit-il en ajoutant que si «l’employé est satisfait, la gestion de la science va bien».
Une main-d’oeuvre qualifiée
Ce sont tous ces petits gestes, croit Yvon Martel, qui permettront au gouvernement fédéral de garder la majorité de ses employés. «Le salaire est une partie importante dans la rétention des employés mais le jeune qui décide de venir travailler pour nous, regardera également son milieu de travail», énonce le Dr Martel.
L’attrait des jeunes pour les sciences n’a jamais été aussi grand, estime le scientifique en chef. «Nous avons beaucoup de jeunes qui viennent travailler en science, cela est étroitement lié au Programme de partage des frais pour l’investissement (PPFI), que le gouvernement fédéral a mis en place en 1995», souligne Yvon Martel. «Grâce à ce programme, 1000 personnes ont un emploi présentement dans le secteur de la recherche à Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) et ce nombre augmentera à environ 2000 durant l’été», précise-t-il.
Mais qu’est-ce que le programme PPFI? «Il s’agit d’une collaboration en recherche agroalimentaire entre le secteur privé et AAC. Grâce à ce programme, le ministère investit une somme équivalente à celle de l’industrie pour tout projet en recherche et développement», explique Yvon Martel en ajoutant que près de 30 millions de dollars du budget annuel d’AAC étaient réservés à cette fin.
Un avantage du programme PPFI, il permet d’embaucher des jeunes à contrats. «Plusieurs d’entre eux vont éventuellement devenir permanents, surtout si on tient compte que plusieurs chercheurs seront éligibles à leur retraite au cours des prochaines années», déclare le Dr Martel. La situation est donc idéale. «Pour obtenir du succès en science, il faut un bon mélange de jeunes avec des nouvelles idées et des gens d’expérience», mentionne-t-il.
Projets de recherches dans l’Est ontarien’
Concrètement, les agriculteurs franco-ontariens de l’Est ontarien pourraient voir accéder à un projet, dans le cadre du PPFI, instauré dans leur région. «Nous sommes en train de discuter d’un projet de recherche qui aiderait les producteurs agricoles au niveau du concept de la production laitière et possiblement de l’environnement», déclare le Dr Martel en précisant que le Collège d’Alfred et l’Union des cultivateurs franco-ontariens étaient deux partenaires potentiels dans ce projet.
Ce dernier croit que l’Est ontarien est un endroit idéal au niveau de la recherche et du développement. «L’Est ontarien est une très belle région pour les producteurs agricoles. Le climat est favorable, les sols sont de très bonne qualité et les producteurs sont entourés de sciences, que ce soit le Collège Macdonald de l’Université McGill, l’Université Laval, la Ferme expérimentale et aussi le Collège d’Alfred de l’Université de Guelph».
Des produits de haute qualité
Selon le Dr Martel, toutes les initiatives mises en place par Agriculture et Agroalimentaire Canada ne visent qu’un seul objectif: «S’assurer que si un produit est fait au Canada, c’est parce que c’est un produit de haute qualité, sain et produit en respectant les normes environnementales», affirme-t-il.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le Dr Yvon Martel aura apporté sa contribution pour assurer que la qualité de la science au Canada soit reconnue.