J’ai eu l’occasion tout récemment d’assister à une présentation dans le cadre de la prochaine campagne électorale municipale. Il y avait plus d’une centaine de personnes présentes, dont une quinzaine « d’Anglais ».
La soirée était parfaitement orchestrée et tous les convives étaient ravis de se restaurer en ce beau soir de fin d’été, un soir cru, comme aurait dit ma mère.
Alors vint le discours de la soirée, fort bien structuré, punché et avec un message. Croyez-le ou pas, le message était même intéressant! Quel changement!
Un point délicat toutefois: Le discours a été prononcé davantage dans la langue de Shakespeare que dans celle de la majorité des invités. Dès lors, j’ai fortillé sur place, impatiente d’en parler à qui voudrait bien m’entendre.
? Vous avez aimé ce qu’il a dit ?
? Ah ! Oui. Du changement enfin !
? Ça ne vous a pas dérangé que le discours soit plutôt en anglais’
? Ah ! Vous savez, c’est à cause des Anglais.
? (Évidemment !) Entendu, sauf que la plupart des invités sont francophones.
? C’est bien vrai, sauf que? (et voilà la phrase qui tue) nous, on comprend tous l’anglais.
« Nous », bien entendu, étant les Franco-Ontariens.
Ça y était ! J’ai presque perdu mon cool et parti dans l’histoire des Franco-Ontariens, si complaisants par rapport aux Anglais qui pourtant ne leur ont pas donné plus qui faut.
Je me suis demandé à ce moment-là, comment m’y prendre pour convaincre cette personne qu’elle avait droit à être informée dans sa langue maternelle.
Pas juste en petits filets entrecoupant un texte anglais. Surtout ici, dans Prescott-Russell où nous comptons tout près de 80 % de francophones.
En plus, elle ajoute que c’est peut-être moi qui souffre d’insécurité.
? Pardon’ C’est probablement à cause de la musique, mais je n’ai pas bien compris ce que vous m’avez dit?
Et elle me répète exactement la même chose. D’ailleurs, à ce moment-là, d’autres personnes se sont jointes à notre conversation et semblaient du même avis que madame.
On en est rendu là! Déjà, on faisait la conversation en anglais s’il y avait un anglophone unilingue dans le groupe. Maintenant, on se doit de parler anglais dans les mêmes circonstances pour démontrer que nous sommes bien dans notre peau.
Comment vouloir entendre parler notre langue est-il devenu un signe d’insécurité? L’adage « Plus ça change, plus c’est la même chose » ne tient pas le coup dans ce cas. L’attitude collective s’endort; le somnifère injecté prend effet.
J’ai compris alors pourquoi mes amis Franco-Ontariens ont quitté la province parce qu’ils avaient perdu foi dans l’avenir du français en Ontario. Vous vous souvenez des paroles de René Lévesque qui avait répondu aux journalistes à la question de ce qu’adviendrait des francophones hors Québec si le Québec se séparait? « THEY ARE JUST DEAD DUCKS. »
C’est à bien y penser ! Toutes les lois, toutes les mesures gouvernementales, tous les commissaires aux langues officielles, n’atteignent pas le c’ur de monsieur madame tout l’monde qui aime bien plaire aux Anglais ! Et surtout, ils ne manquent pas de sécurité comme moi? I guess !