Il y a de ces bâtiments de ferme en Ontario qui nous font revivre l’histoire ancienne et d’autres, plus modernes, allient la mode contemporaine à l’un des plus vieux métiers du monde. Rien ne nous prépare cependant à ce qui nous attend en entrant dans la boutique du Domaine Cléroux, de Casselman, où même les athées auraient le goût de faire leur signe de croix.
Le verger d’Alain et de Manon Cléroux a ce cachet particulier que les amateurs d’autocueillette recherchent lorsqu’ils vont se procurer des fruits chez un agriculteur local. La cueillette dans un endroit paisible est déjà une expérience appréciée chez leurs clients, mais l’entrée dans le kiosque à la ferme de cette entreprise familiale donne envie de faire bénir ses pommes.
Les pièces d’églises s’enlignent pour former un décor béni des dieux. Les vitraux, meubles sculptés et bancs d’église qui décorent cet endroit servent dorénavant de présentoirs à une panoplie de produits de la pomme et de l’érable.
En plus d’être cultivateur, Alain Cléroux travaille depuis 25 ans à redonner un nouveau souffle aux églises de l’Est ontarien, et plus récemment du Québec, en y faisant des travaux de réparation. Il remplace des portes, des toits, des meubles et une multitude d’autres éléments dont les églises veulent se débarrasser et il récupère tout ce qu’il pense pouvoir transformer en œuvre d’art.
« C’est un visionnaire, avoue sa conjointe, Manon. Je ne penserais jamais garder un escalier d’église au cas où un jour je l’installerai quelque part. […] Je ne sais pas où il prend toutes ses idées; c’est un artiste. »
La boutique à la ferme où ils vendent tous leurs produits frais et transformés en dit long sur le passe-temps de cet homme à tout faire. L’entrepreneur reçoit même des appels de différents curés pour échanger ses services contre des pièces d’antiquités. Ç’a été le cas pour les murs intérieurs de la boutique et des présentoirs qui sont faits avec les bancs d’une église de Cornwall qui fermait ses portes parce que les paroissiens n’étaient plus suffisamment nombreux au rendez-vous dominical.
Nos pas résonnent quasiment lorsqu’on foule le sol de cet endroit quasi sacré, fait d’ardoise vieille de 300 ans qui était autrefois apposée sur le toit de l’église St-Regis, de Cornwall. Les couleurs vivantes du vitrail d’une église unie de la région se reflètent sur le plafond en tôle orné de fioritures vieux de 150 ans qui provient d’une église près de Brockville.
« Il a passé un hiver à couper toutes les tuiles », raconte Manon Cléroux, encore dépassée par le talent de son mari.
Les escaliers du presbytère de l’église St-Charles d’ Ottawa mènent maintenant au bed & breakfast au deuxième étage du bâtiment de ferme.
« Je ne sais pas si nos produits sont sacrés, mais ça donne un charme à notre boutique », admet la copropriétaire à notre journaliste.
« Ce n’est pas toujours évident de faire du neuf avec du vieux, mais c’est mieux que d’acheter de nouveaux matériaux. […] Alors quand on peut, on les garde et on fait autre chose avec le matériel », poursuit-elle.
Des produits divinement bons
Si les Cléroux ont un talent fou à redonner vie à ces magnifiques pièces, ils en ont tout autant pour faire honneur à leurs pommes et leur sirop d’érable.
On ne retrouve aucun entrepôt où poirotent les pommes en attendant d’être achetées par les clients. Tout est transformé à la ferme et est frais du jour : barbe à papa à l’érable, pommes de tire, barbotine, jus, tartes, croustades, compote, beurre et pains aux pommes.
La visite vous en mettra plein les yeux… et la bouche.