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le Mercredi 7 Décembre 2016 10:11 Volume 34 Numéro 07 Le18 novembre 2016

Loyola Sylvain, l’homme qui n’a jamais lâché prise

Loyola Sylvain, l’homme qui n’a jamais lâché prise
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Résilients et passionnés, ce sont bien là les agriculteurs sur qui les mauvaises récoltes ou la chute des prix ne semblent jamais avoir le dessus. Ajoutez à cela une dose massive de sagesse et d’optimisme et vous obtiendrez le portrait de Loyola Sylvain, producteur agricole de Kapuskasing.

Confiné à un fauteuil roulant à la suite d’un accident sur la ferme en 2010, l’homme, après plusieurs mois de réadaptation a pris la décision de changer de production, mais n’a pas abandonné le métier. De producteur laitier il est passé à producteur de grandes cultures tout en poursuivant dans le maraîcher avec l’aide de son épouse Suzanne Labelle.

Sa volonté d’adapter sa machinerie à sa nouvelle condition, assortie de ses talents de bricoleur et de l’ingéniosité d’Yvon Murry, patenteux notoire, a eu raison des obstacles.

« Il faut garder le moral, sinon ça n’avancerait pas. Il faut aller de l’avant et toujours avoir des rêves même s’ils sont un peu farfelus. Il faut avoir des défis et continuer avec ce que l’on a en regardant les opportunités qui s’offrent à nous », explique M. Sylvain.

Quant à cette journée de janvier 2010 qui lui a coûté sa mobilité, il préfère ne pas trop s’attarder sur le sujet.

« J’étais en train de travailler dans le garage. L’hiver on mettait nos machines en ordre. On avait une pépine et la pelle m’est tombée sur le dos. J’ai eu 15 fractures, mais j’ai perdu connaissance et je ne me rappelle pas trop. Je me suis réveillé deux jours après à l’hôpital de Toronto. J’aime mieux ne pas trop en parler, car je ne veux pas que le choc me revienne. »

C’est un bête accident dit-il, car sur la ferme, il avait à cœur de respecter les consignes de sécurité. Il n’était pas du genre imprudent. Heureusement, son frère Ovila l’a trouvé et est arrivé à le libérer de cette pièce d’environ 2 000 lb.

Loyola Sylvain a séjourné 10 mois à l’hôpital, les trois premiers à Toronto et par la suite à Ottawa pour la période de réadaptation.

La vente du bétail a été conclue le printemps suivant. Cette année-là, on trayait près de quarante vaches à la ferme.

« Dans mon état je n’avais pas vraiment le choix. »

Bien entouré

Loyola Sylvain mentionne le support de son entourage a joué un rôle primordial dans son rétablissement. La communauté continue d’ailleurs d’être remplie de sollicitude. Pendant la saison du marché, plusieurs bénévoles viennent à la ferme pour aider la famille Sylvain à préparer les légumes pour le transport vers le marché fermier de Kapuskasing. Et dans cette mésaventure, des amis exceptionnels l’ont aidé à atteindre ses objectifs.

Des ingénieux

« Comme c’est là, j’ai cinq tracteurs adaptés. J’avais dit à un de mes amis, Martin Murry, que j’aimerais en avoir un et il en a parlé à son oncle, Yvon Murry, un patenteux. Il a construit mon premier élévateur, la crème de la crème. Denis Lachance, Damas Aubertin et d’autres ont aidé. Plusieurs amis allaient voir ça pendant qu’il construisait chez lui dans son garage. Je lui disais mes besoins et il a construit quelque chose de vraiment adapté pour moi. »

L’élévateur est mobile et monte M. Sylvain à la hauteur de la cabine. Une autre commande permet de faire pivoter la chaise pour y entrer. De là, une poignée au plafond permet à l’utilisateur de se soulever et de se glisser sur le siège. Quant aux tracteurs, certains adaptés par M. Sylvain lui-même, le système de conduite et les freins à pédales ont été substitués par des manettes. M. Sylvain est d’ailleurs très fier de sa dernière réalisation, l’adaptation de sa moissonneuse-batteuse qui s’ajoute à sa batterie de tracteurs.

« Tu dois te servir un peu plus de tes mains. C’est plus physique et tu dois tirer plus fort, mais c’est très sécuritaire. »

Il possède aussi un camion pour ses déplacements sur la route.

Grâce à un octroi fédéral, M. Sylvain a pu faire l’acquisition d’un deuxième élévateur. Il devait toutefois se le procurer auprès d’une entreprise certifiée ce qui l’a obligé à magasiner aux États-Unis. Satisfait du produit, il estime cependant que son élévateur de facture artisanale demeure supérieur.

Chemin faisant, l’agriculteur a développé une musculature au niveau du tronc qui assure son autonomie. Les jours où il n’est pas possible d’amener le tracteur désiré près de la maison, il fait le parcours en fauteuil roulant.

« Je roule un kilomètre et demi jusqu’à la ferme avec mon fauteuil manuel. J’essaie de sortir tous les jours quand la température le permet. Le froid ne me dérange pas trop, c’est plutôt la neige. »

Un employé à demi-temps, Bertrand Belisle, l’aide pour l’ensemble des tâches.

« En décembre 2011 j’ai pu embarquer dans mon tracteur et j’ai pu commencer à labourer, faucher, presser du foin, faire les semences et le jardinage. »

Ainsi, comme il le dit, il fait de la grande culture à petite échelle. Il cultive 75 acres de céréales, en majorité de l’orge qu’il vend localement et récolte le foin sur environ 150 acres de terrain. Avec son épouse il cultive près de trois acres de légumes : carottes, pommes de terre, panais, navets, choux, brocolis en fait, tout ce qui peut pousser dans le nord de l’Ontario. Le couple est engagé de longue date au sein du marché fermier et M. Sylvain en est maintenant président et gérant. Le caractère social de cette activité lui plaît beaucoup, comme sa vie en général.

« Ce serait mentir de dire que c’est la vie idéale, mais c’est mieux que je pensais. Je m’ennuie beaucoup de mes vaches, de ma ferme laitière. Je pense que c’est la plus belle vie. Je suis quand même satisfait de ce que j’ai et j’apprécie tous ces gens qui viennent nous visiter et les bénévoles qui viennent nous aider que s’en est presque gênant. »

Il caresse encore l’idée d’avoir des animaux.

« Si jamais je peux remarcher, j’aurai des animaux. C’est ça mon rêve. Peut-être des animaux à bœuf, quelque chose pour m’amuser et faire de la vie à l’entour. Voir une étable vide c’est triste. Je garde ça pour le futur. »

Et comme le dit le proverbe, tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir.