Depuis une vingtaine d’années, Guy et Carol Levac récoltent invariablement d’excellents résultats pour le classement annuel du DHI (Dairy Herd Improvment). Ils sont propriétaires de la Ferme Mirella à St-Bernardin dans l’Est ontarien.
Ainsi, ils ont l’habitude d’occuper la, sinon l’une des premières positions dans la catégorie « Meilleurs troupeaux selon la cote de gestion » dans le comté de Prescott et de faire bonne figure au niveau provincial. Pour 2016, dans cette même catégorie, ils sont arrivés 2e de leur comté et 31e sur les 2 742 troupeaux de la province avec une note de 893.
La Ferme Mirella possède un troupeau laitier de 133 vaches Holstein réparti comme suit selon les critères de Holstein Canada : 1 Excellente multiple (2E), 4 Excellentes, 54 Très bonnes, 63 Bonnes plus, 5 Bonnes et 3 Non-classées. Au total, l’étable loge 260 têtes.
En regardant les chiffres, Guy et Carol sont plutôt satisfaits. Leur troupeau figure dans la liste des troupeaux supérieurs à la moyenne de composite MCR (Moyenne de la classe de la race) avec un pointage de 290.3. Aussi, leur moyenne de 1,7 kg/gras par jour par vache les récompense. La moyenne provinciale, toutes races confondues, se situe à 1,05 kg.
Ces performances signifient que l’entreprise a su garder le cap malgré le fait que M. Levac ait connu de graves ennuis de santé depuis trois ans. Il est toujours aussi engagé dans les décisions, mais une période de paralysie et deux opérations à la colonne vertébrale l’ont restreint dans ses activités, surtout depuis décembre 2016. Il s’agit fort possiblement des conséquences d’un accident survenu il y a dix ans alors qu’une tentative pour traire une vache fraîche a mal tourné.
Le couple s’estime privilégié d’avoir quatre enfants très dévoués, Patrick (21 ans), Marco (20 ans), Robert (18 ans) et Marie-Josée (16 ans) qui ont beaucoup aidé. Cette dernière a été mise particulièrement à contribution l’hiver passé alors que tous ses frères se trouvaient à l’extérieur pour leurs études. Dans cette épreuve, la Ferme Mirella a tout autant pu compter sur l’expérience d’Alvin Alexander, leur fidèle employé depuis 28 ans. Ils ont dû faire appel à des employés à temps partiel, mais ont eu la chance d’en trouver d’exceptionnels et d’avoir le support de leurs voisins.
« On a été béni », mentionne M. Levac en remerciant cette main-d’œuvre d’appoint, dont un jeune voisin et l’ensemble de leur entourage.Quant à M. Alexander, « il a fait toute la différence », dit-il.
Même si cela n’a pas été facile pour les enfants, l’expérience semble avoir confirmé leur vocation. Les trois garçons veulent prendre la relève.
« Je ne sais pas si on peut dire que ç’a été une opportunité pour les jeunes, ils ne me l’ont jamais dit, mais la famille a continué (à assurer la bonne marche des affaires) même si je n’étais pas à ma pleine capacité. S’ils n’avaient pas bien appris leurs leçons dans les années antérieures, on n’aurait pas obtenu les résultats qu’on a eus pour 2016. C’est la force familiale qui a fait que ça continue », poursuit M. Levac
Aujourd’hui, il se remet tranquillement de sa dernière opération, les deux aînés viennent de recevoir leur diplôme en agriculture, Patrick en technologie agricole du collège Macdonald de l’Université McGill et Marco en gestion d’entreprises laitières de l’Université Dalhousie en Nouvelle-Écosse. Robert est lui aussi de retour pour l’été, mais il retournera à l’Université de Guelph pour poursuivre son baccalauréat en agriculture à l’automne. Marie-Josée quant à elle est encore au secondaire et n’a pas encore décidé de son avenir. Une chose est certaine, les enfants ont hérité de leurs parents d’un goût certain pour le savoir et d’une passion pour l’agriculture.
Guy Levac est issu de la promotion de 1980 en technologie agricole du Collège de Kemptville où Carol a également reçu son diplôme dans la même discipline en 1986 avant de faire un retour aux études en Sciences animales au Collège Macdonald de l’Université McGill lui. Elle a obtenu son baccalauréat en 1986.
Le choix de l’agriculture
Quatre ans après leur mariage, Guy et Carol Levac acquièrent la ferme familiale en 1998 et succèdent ainsi à Gaston et Marie-Claire Levac. Ils deviennent la deuxième génération à cultiver cette terre, quoique troisième génération de propriétaires. Le grand-père, Eugène Levac, avait acquis ce lot pour établir ses fils.
Parallèlement, ils fondent leur famille, quatre enfants en cinq ans. Dès le départ, Carol choisit de travailler à la ferme.
« Moi je viens d’une ferme laitière et ma mère était très impliquée. J’ai toujours aimé ça les vaches et pour moi, ce n’était pas une punition», indique Mme Levac.
Son mari renchérit : « nous, on a fait le choix d’être les deux dans l’entreprise et de vivre de notre revenu agricole. Quand on décide ça, il faut que les choses soient bien faites, car la marge de profit n’est pas large en agriculture. On travaille à s’améliorer et à utiliser les services disponibles.»
Parmi ces services, le Groupement de gestion agricole de l’Ontario (GGAO) en est un de précieux à leurs yeux. Ils comptent au nombre des membres fondateurs. Avec leur conseiller, Luc Gagné, ils continuent à analyser chacune des composantes de l’entreprise dans le but d’augmenter leur productivité. « Ça nous permet de voir ce que l’on a et ce que l’on devrait améliorer », disent les deux en chœur. Mais, il n’y a pas de recette magique, préviennent-ils.
« On a de la discipline dans ce que l’on fait et à un moment donné ça rapporte. Ce sont plusieurs petites choses, allant du choix des taureaux à l’application que l’on met dans les fourrages. C’est impossible de dire qu’on réussit parce qu’on a une bonne pratique de traite ou parce qu’on a une bonne alimentation. C’est possible parce que l’on fait tout ça ensemble. »
Leur progression
D’abord, le drainage a permis la culture du maïs et de la luzerne, une amélioration notoire pour la ration animale. Aussi, beaucoup d’efforts sont mis dans les fourrages pour en obtenir le meilleur rendement protéinique.
« On surveille pour avoir les meilleurs cultivars pour nos conditions et la digestibilité du « soignage » (alimentation). Plus la ration est balancée plus la matière sèche (dans le lait) augmente. On s’applique à faire nos foins quand c’est l’heure de le faire », explique encore M. Levac sous le regard approbateur de son épouse.
Tous deux soulignent l’impact positif des progrès scientifiques et technologiques sur l’agriculture au fil des ans. Ils cultivent 400 acres de terre dont 125 consacrées au maïs, 225 à la luzerne et une cinquantaine au soya.
Dans leur étable à stabulation entravée, la même qu’au temps de Gaston Levac, la modernisation se fait en mode continu. Un agrandissement a été effectué en 2009 pour faciliter les vêlages et donner plus d’espaces aux vaches taries.
« Je pense que pour le tarissement et la préparation au vêlage on a trouvé la bonne recette. Elles vêlent bien alors elles débutent bien dans la production. »
Pour les vaches en lactation, les stalles ont été agrandies, la moyenne est de 54 po x 72 po et certaines atteignent 66 po X 72 po, ce qui se traduit par une augmentation du confort que l’on peut observer entre autres, par la performance des vaches matures et leur taille imposante, selon les Levac. « Les deux plus vieilles donnent 80 kg en ce moment. »
Un parquet de céramique a été installé pour recevoir l’alimentation, les vaches apprécient disent-ils. Il n’y a pas de dépôts qui restent collés. La nourriture a donc meilleure odeur et meilleur goût. Ils sont aussi très contents de leur dernière acquisition, un robot pour repousser l’alimentation près des animaux.
Quant à la génétique, le choix des taureaux se fait selon la méthode de l’indice de profit à vie (IPV). Le choix des taureaux entraîne d’ailleurs des discussions animées autour de la table.
« N’importe quel troupeau peut changer par le haut ou par le bas juste parce que ce n’est pas la même personne qui prend les décisions », soutient encore M. Levac.
Chez ces agriculteurs, maintenant, les décisions se prennent de plus en plus en famille. On se dirige vers un transfert.
« On est rendu au point d’envisager un transfert et une retraite confortable, dans la mesure de nos moyens naturellement. Mon souhait est de devenir un bon mentor. Il faut commencer avec la nouvelle génération », conclut Guy Levac.
« On a toujours montré ce qu’on faisait aux jeunes en espérant qu’ils veulent prendre la relève un jour. On est bien chanceux », mentionne pour sa part Carol Levac.