Il pleut aujourd’hui, les champs de fraises sont vides à la Ferme d’Orléans. Cela n’empêche pas les clients d’arrêter nombreux au kiosque de vente du boulevard St-Joseph en bordure de la Capitale Nationale.
Françoise (Michaud) Henrie va et vient entre le caveau où est conservée la récolte, et les étals qui regorgent de ses beaux fruits colorés. Même quand il pleut, il arrive que des gens se présentent pour l’autocueillette, dit-elle. Avec son mari Paul Henrie et leur fils Alexandre, elle a fort à faire en cette saison avec 200 acres de terre en culture fruitière et maraîchère. La saison des asperges vient de se terminer, celle des fraises est bien amorcée et se poursuivra jusqu’en octobre grâce aux variétés tardives. Malgré le retard dû aux températures froides, les petites fèves, les tomates, les cantaloups ainsi que la vingtaine de produits cultivés par la maison finiront par arriver. Les concombres toutefois ne donneront pas une bonne récolte, prédit Mme Michaud en mentionnant qu’en contrepartie, les asperges ont apprécié la fraîcheur et ont donné des résultats au-dessus des normales.
Pour eux, la saison se terminera avec le maïs sucré, les pommes – ils en ont 21 variétés, les courges et les citrouilles en octobre. Ils ouvriront leurs portes en décembre pour la vente de sapins de Noël mais ce ne sont pas eux qui les produisent.
La ferme propose l’autocueillette pour les fraises, les framboises et les pommes.
Se diversifier
La Ferme d’Orléans propose un large éventail de fruits et légumes et ce n’est pas par hasard. Le couple Henrie-Michaud a appris à la dure qu’il valait mieux miser se diversifier.
« En juillet 1996, la grêle a détruit 60% de notre récolte de pommes en 15 minutes. C’est là qu’on a décidé de diversifier », raconte M. Henrie avec émotion.
À cette époque, la Ferme d’Orléans n’ouvrait ses portes qu’à partir du 1er août, misant principalement sur le maïs, quelques légumes et les pommes pour faire vivre la famille. Le couple a deux enfants, Alexandre et Anne-Sophie.
« Depuis, d’année en année on ajoute quelque chose », mentionne Mme Michaud qui transforme aussi les petits fruits en confiture pendant l’hiver. Pendant la saison haute, une partie des récoltes est congelée pour être transformée ultérieurement.
Alexandre pour sa part, imagine d’innombrables projets qui pourraient prendre forme tant il y a d’avenir pour cette entreprise. Diplômé il y a un an de l’Institut de formation et de recherche agroalimentaire (IFRA) de La Cité au campus d’Alfred, il deviendra formellement associé dans un proche avenir. Les démarches à cet effet seront entreprises cet hiver.
« On pourrait organiser des dégustations de cidre et de vin. On pourrait avoir un vignoble, une miellerie ou une cidrerie », propose le jeune homme enthousiaste.
Ses parents reconnaissent le potentiel « illimité » de la ferme et sont ouverts à l’innovation à condition toutefois d’assurer la pérennité des actions entreprises. Ils sont les trois seuls employés à temps plein sur la ferme. À leur trio s’ajoutent douze employés étrangers, des Mexicains qui viennent année après année pour une période de sept mois à chacun de leur séjour. D’autres employés saisonniers et des étudiants complètent l’équipe.
De grands atouts
Parmi ses grands atouts, la Ferme d’Orléans compte sur la proximité avec la Ville d’Ottawa. Des milliers d’automobilistes passent devant tous les jours.
« On est une ferme en ville. Notre clientèle passe en avant. On n’a pas besoin d’aller la chercher. On est privilégié », assure Mme Michaud.
Leur but dit-elle, était de nourrir les gens de la région et c’est chose faite. Bien sûr, d’autres projets pourraient se greffer, comme un volet agrotouristique, mais c’est une autre clientèle, dit-elle.
Chose certaine, la Ferme d’Orléans possède un cachet très pittoresque qui pourrait lui permettre d’aspirer à ce créneau. Son caveau, très pratique pour entreposer les récoltes, rappelle des paysages d’Irlande avec son toit de mousse. Un grand soin est mis dans l’entretien des plates-bandes en devanture.
Un incendie est à l’origine de cette construction alors qu’en 1937, l’étable qui était érigée au-dessus était la proie des flammes. Du béton avait alors été coulé et de la terre mise comme toit sur les fondations pour servir d’abri temporaire aux animaux.
« Il y a beaucoup de gens qui viennent ici pour se prendre en photo, devant le caveau ou dans les vergers », rapporte Mme Michaud en indiquant que les vergers sont aussi très populaires pour les citadins en quête de décors champêtres.
Alexandre constate que les gens y viennent aussi pour « l’expérience locale ».
Une longue histoire
Paul Henrie a grandi sur cette terre que ses parents Jeannine et Isaïe Henrie louaient avant lui. La ferme autrefois propriété des Pères oblats et qui se nommait la Ferme Saint-Joseph a nourri les étudiants et les professeurs de l’Université d’Ottawa de 1917 à 1968. La Commission de la Capitale nationale en fit l’acquisition en 1968 pour l’intégrer à sa ceinture de verdure.
En 1969, Jeannine et Isaïe Henrie s’y installent comme premiers locataires et exploitent principalement les vergers. Paul, enfants d’une famille de sept, a alors cinq ans. Jeune adulte, il partira travailler en Suisse comme technologue de laboratoire comme biologiste. Son épouse Françoise, originaire de ce pays, travaille alors dans le même établissement médical et occupe les mêmes fonctions. Le couple décide de prendre la relève agricole en 1991, troquant le microscope contre la fourche. Ils cultivent alors environ 70 acres, superficie qui a plus que doublé depuis.
La Ferme d’Orléans pratique la rotation des cultures et la lutte intégrée contre les ravageurs et les maladies. Un agronome leur rend visite chaque semaine. C’est aussi un grand laboratoire, affirme le couple en chœur en disant : « Tout ça, c’est aussi de la science ! »