La Cité rapatriera ses cours théoriques du campus d’Alfred vers son campus d’Ottawa et en milieu de travail. Cette décision s’appliquera dès la rentrée scolaire 2019-2020.
Rappelons que La Cité a amorcé un processus de « transformation pédagogique » qui privilégie l’apprentissage pratique. La majorité des cours des programmes agricoles se donneront par conséquent en entreprise, chez des agriculteurs de l’Est ontarien, notamment.
Frédéric Thibault-Chabot, doyen à l’Enseignement, Secteurs des métiers spécialisés, des technologies, des arts et de la communication à La Cité affirme que la nouvelle formule sera bénéfique tant pour les étudiants, tant que pour les entreprises de cette région.
La portion pratique des programmes sera plus importante et sera offerte chez divers partenaires de cette région – des entreprises agricoles et agroalimentaires. Des ententes avec la Ferme d’éducation et de recherche du campus d’Alfred (FERCA) pourraient être envisagées.
Des membres de la communauté, dont des employeurs ont été consultés régulièrement pour la refonte des cursus scolaires.
Un pan d’histoire
Collège d’Alfred, Campus d’Alfred de l’Université de Guelph ou IFRA de La Cité, l’imposant bâtiment de pierre au centre du village d’Alfred a changé d’enseignes à quelques reprises, en même temps que les institutions d’enseignement s’y sont succédé.
Depuis 1980, ce lieu emblématique pour la communauté agricole franco-ontarienne représente la victoire, celle remportée pour obtenir la première école postsecondaire francophone spécialisée en agriculture dans la province. Jusqu’à aujourd’hui, malgré quelques menaces de fermeture les formations n’y ont jamais été interrompues.
En 2015, après deux ans d’incertitude quant à l’avenir des programmes offerts sur le campus, le gouvernement de l’Ontario avait annoncé sa décision de les maintenir et d’en confier la responsabilité à La Cité pour l’Est ontarien.
La communauté agricole avait alors chaudement applaudi, associant le campus d’Alfred à la spécificité de la formation, puisque les activités s’y poursuivaient.
La Cité avait du même souffle regroupé ses nouveaux programmes sous l’égide de l’Institut de formation et de recherche agroalimentaire (IFRA). Dès le départ, il avait été précisé que le financement gouvernemental permettant de défrayer les coûts de location à Alfred n’était assuré que pour une période d’une année. Cette période a été prolongée d’année en année, jusqu’à l’année scolaire 2018-2019, mais ne le sera pas pour 2019-2020.
M. Thibault-Chabot est formel. Sans ces subventions ministérielles, La Cité n’a pas les moyens de défrayer les coûts de location, d’autant qu’elle possède déjà ses infrastructures à Ottawa.
C’est une question de saine gestion, fait-il valoir en indiquant. « C’est correct de louer des espaces, mais les revenus doivent être là. Avec l’offre sur le campus ce n’est pas possible. Il faut le considérer. Notre intention c’est que ça marche. On n’a pas baguette magique alors, il faut faire les choses différemment » poursuit le doyen.
M. Thibault-Chabot explique que les vœux de La Cité sont que l’IFRA prenne de l’expansion, tant par le nombre d’inscriptions que par l’augmentation du nombre de programmes offerts.
« Il faut avoir une formule à long terme. La santé passe par l’augmentation des inscriptions et on a une piste de développement pour les quatre à cinq prochaines années. La Cité joue son rôle dans ce dossier-là pour sécuriser », dit-il.
Ainsi, un effort particulier est mis pour développer des partenariats avec les agriculteurs de l’Est ontarien. C’est l’approche par compétence qui est valorisée dans la nouvelle formule.
« On favorise l’expérience en milieu réel par rapport au milieu simulé.»
Advenant une annonce-surprise sur le financement du campus d’Alfred, La Cité pourrait changer sa position.
« On va revoir nos plans si une bonne nouvelle est annoncée. Nos plans, on les ajuste selon les annonces que l’on a », conclut M. Thibault-Chabot.
Réactions
Alain Lavigne fait partie des agriculteurs qui ont revendiqué un programme d’enseignement agricole en français. Il était aux premières loges lors de l’inauguration du Collège d’Alfred.
Lors de l’ouverture, moi, Jean Poirier et Georges Amyot avions reçu une plaque. Jean, c’est lui qui s’était battu sur le plan politique. Georges avait été demandé par le gouvernement pour mettre ça sur pied au niveau technique. C’est lui qui avait fondé le Collège militaire de St-Jean. Moi, on peut dire que je m’étais imposé parce qu’au début je trouvais que les agriculteurs n’étaient pas impliqués dans le processus. On a formé un groupe avec des gens comme Jean-Claude Dutrizac, Gaston Levac, Louise Miner, Alphonse Lafrance et plusieurs autres. Finalement on est devenu un groupe important et très bien organisé.
Pour ces agriculteurs, l’important à l’époque c’est d’offrir de la formation aux francophones. Les anglophones sont nettement plus scolarisés et cela a un impact sur la performance de leur entreprise. M. Lavigne souhaite que cette mission éducative demeure une priorité.
« De la façon que je peu comprendre, ils vont plus former des travailleurs agricoles. S’ils vont sur des fermes, c’est beau, tu apprends le côté pratique. Mais les fermiers ne sont pas tous formés en pédagogie. Je suis d’accord avec le côté pratique, mais cela doit être appuyé par une bonne formation théorique. »
La bonne nouvelle toutefois, c’est que la formation continue. « C’est un peu avec un pincement au cœur que j’apprends que le campus d’Alfred n’existera plus, mais ce qu’il faut s’assurer maintenant c’est que l’enseignement sera de qualité. Parce que le besoin, il est là. Je comprends qu’il y a des contraintes financières et qu’il faut en être conscient. Au fond, l’enseignement c’est plus important que le bâtiment, surtout si les gens de la communauté sont impliqués », conclut M. Lavigne.
Ceci dit, il souhaiterait qu’une nouvelle vocation soit trouvée pour ce bâtiment qui fait partie de l’histoire agricole.