Une bonne saison pour le soya
Par Julyen Renaud et Marc Dumont
Le début du mois de novembre aura été chaud et sec comparativement aux normales saisonnières. Les agriculteurs de l’Ontario ont pu profiter du beau temps pour se consacrer aux travaux qui restent à faire dans les champs. Presque partout dans la province, les récoltes de soya sont terminées. Si celui-ci a eu un excellent rendement, on ne peut en dire de même pour les céréales qui ont souffert de la sécheresse du mois de juin. Pour sa part, le maïs a vu sa progression ralentir avec le gel qui est arrivé tôt cette année à certains endroits.
L’Est ontarien
Selon Gilles Quesnel, agronome et spécialiste en grandes cultures pour l’Est ontarien au sein du MAAARO jusqu’à sa retraite en 2015, les agriculteurs ont été agréablement surpris par le rendement du soya cette année : « En moyenne, les rendements étaient 15 % au-dessus de la normale. » Aux yeux de l’ancien fonctionnaire, ce sont les pluies du mois d’août qui ont sauvé la donne.
Si la récolte de soya a été bonne, à la ferme de Thomas Vinet, on précise que le rendement aurait pu être supérieur. L’agriculteur de L’Orignal déplore l’arrivée d’un gel hâtif au mois de septembre : « J’ai des champs qui n’étaient pas encore à maturité et qui ont été affectés par le gel. » Il ajoute que sans ce gel, « ça aurait été encore meilleur. »
Quant au maïs, il a vu sa période de croissance être freinée par les nuits froides du mois de septembre. Pour ajouter à cela, le printemps aura aussi été froid : « Le départ a été lent et la période froide a fait que la population finale à l’acre a été moindre », explique Gilles Quesnel. « La population n’était pas aussi élevée pour le même niveau d’ensemencement à l’acre. […] De là, tout de suite, ça veut dire moins d’épis dans le champ. »
Malgré un été chaud, la saison a été courte pour le maïs. Comme si ce n’était pas assez, ce dernier a aussi souffert de la sécheresse estivale : « Au moment de la pollinisation et la période après quand le grain commence à se remplir, c’était trop sec », se désole Gilles Quesnel.
La sécheresse des mois de juin et juillet a été catastrophique pour les céréales. À Limoges, à la ferme de Rejean Pommainville, les récoltes s’annonçaient pourtant spectaculaires. « Le 24 avril, j’avais fini de semer tout mon blé. On s’attendait à avoir des récoltes extraordinaires et on a été très déçus », a expliqué M. Pommainville. Selon Gilles Quesnel, l’orge, le blé et l’avoine ont eu des rendements allant de 20 % à 30 % en deçà de la normale dans l’est de l’Ontario : « Les céréales ont été frappées les plus durement. »
Le sud de l’Ontario
Chez Maurice Chauvin et son épouse Cathy, à Pointe-aux-Roches dans le sud de l’Ontario, on cultive le soya, le blé et le maïs. Là-bas, « toutes les cultures ont bien fait, ce qui est très rare ». C’est tout de même le soya qui, comme dans l’Est ontarien, a eu le meilleur rendement. Selon Maurice Chauvin, si cette culture a connu un tel succès, c’est grâce aux pluies du mois d’août : « Durant la saison de croissance, nous avons eu des records de pluie, soit 100 mm et plus à la fois, presque toutes les semaines durant le mois d’août. […] Ceci a placé les récoltes de soya et de maïs en grand avantage. » Toujours selon M. Chauvin, c’est le soya qui aurait profité le plus de ces précipitations.
Lorsqu’on lui demande quelle culture a le moins bien fait cette année, Maurice Chauvin répond que « le blé a été affecté par une sécheresse au mois de juin qui a réduit un peu le rendement de la récolte. » L’agriculteur de Pointe-aux-Roches se dit tout de même satisfait de sa récolte en général.
Le travail n’est pas terminé chez les Chauvin, car il reste encore du maïs dans les champs. Même s’il estime n’avoir complété que la moitié du travail, Maurice Chauvin soutient que « les rendements semblent être très satisfaisants jusqu’à date [sic]. »
Le nord de l’Ontario « Assez de pluie au bon moment » pour les récoltes du nord
« Dans l’ensemble on peut dire qu’au Témiskaming, les conditions pour les cultures en 2020 ont été à peu près idéales », affirme Barry Potter, agronome et agent de développement agricole au ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires Rurales de l’Ontario. Il y a eu 2500 unités de chaleur dans la région de New Liskeard et 2300 à Earlton. Quant au gel mortel, il est arrivé le 18 septembre.
Plusieurs cultures ont eu des rendements nettement au-dessus de la moyenne. C’est le cas de l’orge récoltée de 1,5 à 2 tonnes/l’acre contre l’habituel 1 à 1,5 tonne/l’acre. Le soya a aussi eu un excellent rendement, soit 45 à 55 boisseaux à l’acre. Même chose pour les pois et le canola (1,2 tonne/l’acre). Les pois ont aussi eu un rendement au-dessus de la moyenne. Le maïs d’ensilage s’est récolté entre 1,8 à 2 tonnes/l’acre, ce qui est aussi nettement supérieur aux chiffres habituels.
Contrairement au sud de la province, le nord-est n’a pas connu une sécheresse tant inquiétante. La récolte en résumé, est de rendement moyen ou davantage qu’à l’ordinaire. L’état des pâturages a été bon : « Les pluies en juillet et en août sont arrivées quand il le fallait », confirme Barry Potter.
Il y a eu des cultures décevantes comme l’avoine avec 1 à 1,5 tonne à l’acre. Le blé a donné un rendement allant de moyen à inférieur à la normale. Il était aussi de médiocre qualité. « Il va servir à l’alimentation des animaux plutôt qu’à celle des humains », ajoute Barry Potter. « C’est probablement parce qu’il faisait trop chaud au moment de la floraison ». Les fèveroles sont de mauvaise qualité et n’ont pas encore été récoltées à cause des pluies incessantes. C’est aussi le cas du maïs-grain. Il est de mauvaise qualité et ne pourra être récolté qu’en novembre ou après l’hiver.
Quant aux prix, celui du soya est excellent, tandis que pour les autres céréales c’est dans la moyenne. En comparaison, le prix du bœuf est au-dessus de la moyenne et, le 15 octobre, à l’encan de New Liskeard, il se vendait de 10 à 15 cents la livre au-dessus du prix moyen en Ontario.
Les agriculteurs du Témiskaming n’ont pas été trop affectés par la COVID-19. Le message d’encourager l’achat local lancé par les gouvernements et les entreprises, provoque une réaction positive des consommateurs. Les abattoirs du nord-est de la province fonctionnent à plein régime. Pour faire abattre un bœuf ou un mouton, il faudra attendre en janvier ou en février. « Il n’y a pas assez d’abattoirs », déplore Barry Potter.
L’agronome regrette que tout se fasse virtuellement et qu’il doive s’abstenir de faire des visites à la ferme, mais « tout compte fait, assez de pluie au bon moment a donné une bonne saison de croissance. On a été béni ! »