le Samedi 25 janvier 2025
le Mercredi 17 juillet 2024 11:53 Alimentation

La ferme du futur: de la viande cultivée en laboratoire?

Vous pourrez bientôt choisir du boeuf élevé dans la prairie ou en laboratoire
Vous pourrez bientôt choisir du boeuf élevé dans la prairie ou en laboratoire
L’idée que l’on se fait du bœuf ou du poulet qu’on achète pour consommer pourrait passer d’animaux élevés sur une ferme, à de simples cellules musculaires cultivées en laboratoire.
La ferme du futur: de la viande cultivée en laboratoire?
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Selon Nathalie Méthot, La Cité a été sollicitée par plusieurs entreprises situées partout au Canada pour de l’appui en recherche face à cette nouvelle technologie.

Au moment même où vous lisez ces lignes, on compterait pas moins d’une quinzaine d’entreprises en démarrage au Canada, avec pour mandat la reproduction de viande animale à partir de cellules de muscles, ou carrément par clonage. Nous sommes encore loin d’une acceptation sociale de ces types de viandes et il semble que personne n’ait vraiment envie d’éduquer le consommateur face à ces nouveaux choix.

La voie du futur?

Science-fiction? Apparemment, des institutions comme le Collège La Cité croient suffisamment au potentiel de cette technologie pour y réserver un espace dans ses locaux. Ainsi, le Centre d’accès à la technologie en bio-innovation (CAT-B) du Collège La Cité accueillera un nouveau laboratoire dédié à la recherche appliquée, incluant de nouveaux équipements à la fine pointe de la technologie, grâce à un financement de 882 422 dollars de la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI).

Ces appareils permettront de réaliser des projets de recherche allant du développement de médicaments pour traiter la maladie d’Alzheimer à la production de viande cultivée à base de cellules musculaires de poissons.

Selon Nathalie Méthot, doyenne au Bureau de la vice-présidence à l’Enseignement du Collège La Cité, il est possible de cultiver des cellules animales en laboratoire (biofermenteurs) depuis plusieurs années. Cependant, le défi technique requis pour réussir est d’incorporer ces cellules dans une matrice qui reproduit un filet de saumon ou de poulet. 

« Nous devons réfléchir à des solutions durables, à haute valeur nutritive et qui sont rentables, pour nourrir la population mondiale. Le futur nous dira si la viande en laboratoire répondra aux attentes. La technologie acquise par La Cité permet également de produire des ingrédients, comme des protéines, utilisées dans la transformation alimentaire. »

Ce qu’on ne sait pas ne nous fait pas mal…

Directeur principal du Laboratoire de science analytique en Agroalimentaire de l’Université Dalhousie, le Dr Sylvain Charlebois suit l’évolution de cette tendance depuis plusieurs années. Il déplore le manque de transparence qui entoure les questions comme le clonage ou la production de viande cultivée.

« Le consommateur perçoit généralement mal ces questions en raison de la désinformation et du manque de responsabilisation non seulement des industriels, mais aussi des instances comme Santé Canada », dit-il. « Présentement, rien n’oblige un producteur à indiquer sur l’emballage que la viande que vous achetez a été cultivée ou clonée. »

Pourquoi craindre la culture de viande si elle se fait dans les règles de l’art? « Une entreprise canadienne, Aqua Bounty, produit du saumon génétiquement modifié, sans mention sur l’emballage. La pratique a été bannie au Canada et l’entreprise vend son saumon aux États-Unis*. C’est une technologie mise à l’index en Europe et permettre ce genre d’industrie ici pourrait ternir notre réputation sur les marchés européens. »

Amie Peck de la CCA croit que la viande synthétique ne remplacera pas le boeuf d’élevage.

Pas demain la veille

Les producteurs de bœuf au Canada ne perdent pas encore de sommeil relativement à l’avenir de leur industrie, mais ils n’en suivent pas moins le dossier de près, explique Amie Peck, gestionnaire des affaires publiques au Canadian Cattle Association (CCA): « Des experts nous ont indiqué que la science en est encore à l’étape de l’exploration et qu’il faudrait une vingtaine d’années avant qu’on ne trouve ce type de viande sur le marché. »

Au mieux, croit la CCA, il s’agira d’un produit de niche dispendieux et qui n’arrivera pas à reproduire le goût unique du bœuf des prairies. « Il y a quelques années, le public a été d’abord séduit par la viande à base végétale, qui a connu une certaine popularité; mais le goût n’est simplement pas le même et le prix entre aussi en ligne de compte », assure Mme Peck.

Pour sa part, La Cité estime que d’investir dans cette technologie répond à un besoin: « La Cité se dote d’un parc d’équipement en culture cellulaire pour soutenir les entreprises privées qui ont besoin d’appui scientifique et technologique pour développer cette nouvelle technologie de la viande cultivée, un domaine en émergence au Canada. Ces équipements permettent aussi aux étudiants de collaborer avec l’industrie à titre de stagiaires en recherche. Durant les deux dernières années, La Cité a été sollicitée par plusieurs entreprises situées partout au Canada pour de l’appui en ce sens. »

Au chapitre du prix de la viande cultivée, le Dr Charlebois préfère ne pas se faire d’illusions: « Il est faux de croire qu’on vendra de la viande cultivée moins cher aux consommateurs. Le coût de production sera plus bas, mais le prix de vente ne changera pas. »

*Sauf en Alabama et en Floride, où c’est interdit; le Texas pourrait emboîter le pas.

 

IJL – Réseau.Presse – Agricom