le Dimanche 6 octobre 2024
le Mardi 17 octobre 2023 9:23 Chronique

Hurler de solitude

Seule au volant, Sandra en profite pour réfléchir... ou chanter à tue-tête! — photo : Sandra Clément
Seule au volant, Sandra en profite pour réfléchir... ou chanter à tue-tête!
photo : Sandra Clément
La solitude au volant d’un tracteur, parlons-en! Pour certains, toute une journée sans parler à personne, ça rend fou. Pour d’autres, ça fait du bien. Confidences d'un voisin.
Hurler de solitude
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Un soir de printemps pendant les semis, un bon voisin à bord de son tracteur s’est arrêté me saluer entre deux champs.

-Salut! Comment ça l’avance?

Parle, parle, jase, jase et il en vient à me féliciter pour mes chroniques avec Agricom. Puis, il me suggère d’écrire sur un sujet : la solitude dans le champ en tracteur. (Ça sonne comme le titre d’une chanson country français!)

Pour lui, passer des heures et des heures en tracteur, ce n’est pas le rôle qu’il préfère jouer. Il me raconte cette fois où il avait passé une longue journée au champ, lui pis son tracteur, à travailler le sol sans parler à personne. Le soir en retournant chez lui, pour savoir s’il avait encore une voix, il a crié tout le long du trajet.

«Mom, à quoi tu penses?», me demande ma fille Maya.

PHOTO : Maya Clément

-Les gens que j’ai rencontrés sur mon chemin ont dû trouver que j’étais fou!, me dit-il en riant.

Ils n’auraient pas eu tort, parce que lui-même se demandait s’il n’était pas en train de devenir fou après toute une journée seul.

Mon voisin a beau être un agriculteur d’expérience, il préfère être le gofer à qui l’on dit «go for this, go for that» que de rester enfermé dans la cabine d’un tracteur toute la journée.

Être le gofer qui au printemps, finit les lèvres gercées par le vent, le soleil et la poussière, c’est son rôle préféré. À l’automne, rester dehors pour gérer le séchoir à grain quand le temps est humide et que ça vous rentre dans les os, il préfère ça au confort du tracteur.

Je le comprends, parce qu’à la ferme chez nous, c’est moi le gopher qui court à gauche et à droite.

Le voisin repart, je le remercie de son partage et je lui lance : «Eille! Oublie pas, les gofers comme nous, personne s’en passerait!»

Solitude bénéfique

Si vous me demandez mon avis, vivre de la solitude en tracteur peut être une expérience enrichissante. Si vous appréciez la tranquillité, passer du temps seul peut vous offrir l’occasion de vous ressourcer et de profiter de la nature qui vous entoure.

On profite de ces moments pour faire le point sur notre vie, nos objectifs et nos aspirations. On pense à ce qui nous rend vraiment heureux et on utilise ce temps seul pour prendre des décisions importantes.

Pour ma part, je passe moins de temps en tracteur qu’avant. Mes filles ont pris leur place en tant qu’opératrices de machinerie.

Même si je suis le gofer comme mon voisin, j’aime particulièrement ces moments où j’ai la chance de passer de longues heures seule. Un seul problème : ma boîte à lunch est assurément vide rendue à 10h du matin!

Dans la cabine du tracteur, je suis un peu en vacances, comme dans ma chronique Mon tracteur, mon bonheur!

La journée a été longue!

PHOTO : SANDRA CLÉMENT

Ça me permet d’observer ce qui se passe autour de moi. J’écoute des livres audios, des podcasts pour enrichir mon esprit.

Bon mais là on s’entend, si vous me connaissez un peu, après un certain temps, ça suffit l’enrichissement. Je mets la musique au fond pis je chante de toutes mes forces, me laissant emporter par la mélodie et les paroles.

Je chante comme si personne ne m’écoute. (Dans le fond d’un champ, y’a vraiment personne qui m’écoute!!!) Je me sens authentique et quand j’ai besoin d’aller au petit coin, mon authenticité ne diminue pas. La créativité d’une femme, ça s’exprime de plein de façons!

En terminant, n’oublions pas que la solitude d’une agricultrice, ça se passe aussi à la maison. Quand on est maman, on reste souvent derrière à faire les tâches ménagères alors que le reste de l’équipe s’amuse au champ. Tiens, tiens, on dirait un autre sujet de chronique!  

Sandra Clément est productrice de grandes cultures à Embrun. Elle animera les célébrations du 40e anniversaire du Journal Agricom, le 30 novembre 2023, à Plantagenet.