Au départ, on pourrait croire que les agriculteurs ontariens s’en tirent mieux: « Au cours des trois premiers trimestres de 2024, les recettes monétaires agricoles du Québec ont diminué de 1,7% tandis que celles de l’Ontario ont augmenté de 1,2% », indique Éva Larouche, conseillère principale, Relations avec les médias à Financement agricole Canada (FAC). « Nous pouvons nous attendre à ce que pour le reste de 2024, les recettes monétaires agricoles suivent une tendance similaire aux trois premiers trimestres – en baisse au Québec et soit similaires, soit en légère croissance en Ontario. »
Mais…
Donc, un écart de près de 3% en faveur de l’Ontario devrait se traduire par un revenu net supérieur; ce n’est cependant pas le cas, explique Mme Larouche; « Nous n’avons pas de données sur les dépenses d’exploitation agricole pour 2024, mais des hypothèses peuvent être faites sur ce que nous pourrions attendre des dépenses d’exploitation totales pour 2024 en nous basant sur les tendances historiques et ce que nous savons jusqu’à présent sur certains coûts des intrants. »
De manière générale, les prix des engrais, des produits chimiques et des aliments pour animaux ont diminué cette année, mais certains coûts tels que la dépréciation et les réparations des équipements ont augmenté. « En conséquence, globalement, nous nous attendons à ce que les dépenses d’exploitation totales aient augmenté plus que les recettes monétaires agricoles. Ainsi, le revenu net agricole devrait diminuer en 2024 », déplore-t-elle.
2025, année “intéressante”
Vice-président aux Politiques de l’Union nationale des fermiers, Phil Mount estime qu’il sera “intéressant” de voir la tournure des événements en 2025. « Le gouvernement ontarien n’a pas porté attention à l’agriculture au cours de son présent mandat, mais on le sent sur le sentier de la campagne électorale, qu’il voudra sûrement tenir avant les élections fédérales. Et c’est en campagne électorale qu’il a tendance à se souvenir des agriculteurs », dit-il.
En fait, M. Mount estime que la population a une vision erronée de la situation financière des agriculteurs, en raison de la hausse des prix des denrées alimentaires. « Aujourd’hui, lorsque le prix des denrées alimentaires augmente, ce ne sont pas les agriculteurs qui font des profits. Il est temps que les agriculteurs et les consommateurs s’assoient ensemble pour discuter de la concentration des intérêts corporatifs, qui contrôlent les prix allant des intrants agricoles jusqu’aux chaînes d’alimentation. »
Selon lui, les terres agricoles ont toujours servi de plan de retraite: la plupart des agriculteurs n’ont ni les moyens ni l’incitation d’épargner pour leurs vieux jours. « Les bénéfices d’une année, ou les économies lorsqu’il y en a, sont utilisés pour améliorer ou renouveler les équipements, ainsi que pour entretenir ou agrandir la ferme », se souvient-il.
Des solutions folles ou courageuses?
Afin de s’adapter avec flexibilité aux conditions changeantes, il estime que les agriculteurs et les gouvernements devront être ouverts à de nouvelles approches qui auraient été impensables il y a quelques années à peine.
Afin de pouvoir faire face aux menaces persistantes des tarifs douaniers sur les exportations canadiennes – ainsi qu’aux défis posés par les tarifs canadiens lors des négociations commerciales – M. Mount estime que nous devrons renforcer notre défense du système de gestion de l’offre. « Ce qui distingue le Canada des autres pays qui ont abandonné ce type de système, c’est que nos fermes sous gestion de l’offre sont beaucoup plus stables, alors que leurs fermes doivent souvent vendre au plus bas de la vague et nécessitent des subventions gouvernementales. Nous devons nous opposer fermement au lobby américain. »
« Nous devons aller vers l’autonomie et la souveraineté alimentaires. J’habite à Vernon, au sud-ouest d’Ottawa, et je vois de nouveaux ou de jeunes agriculteurs qui ont du mal à se lancer dans l’agriculture parce que les prix des terres agricoles dans l’Est de l’Ontario ne sont plus liés à la valeur productive de la terre. » Le vice-président estime que l’Ontario gagnerait à s’inspirer de ce qui fonctionne ailleurs, en prenant par exemple l’adoption du projet de loi 86 au Québec, qui limite l’aménagement des terres agricoles à des fins autres que l’agriculture. « À défaut, nous devrions peut-être envisager l’adoption d’un revenu minimum garanti pour les nouveaux et les jeunes agriculteurs », estime-t-il.
Face à la menace de l’imposition de tarifs douaniers à 25% et en pleine année électorale, il sera en effet intéressant de voir quelle importance les différents niveaux de gouvernement attachent à l’agriculture.
IJL – Réseau.Presse – Agricom