
Gilles Quesnel a constaté la présence de taches de goudron sur des feuilles de plants de maïs à Winchester.
« Les États du Centre-Nord américain sont aux prises avec la présence de ce type de contamination fongique qui s’attaque aux feuilles et les détruit, ce qui empêche la photosynthèse du plant et ça peut se traduire par une perte de 30 à 40% de la récolte », explique M. Quesnel.
Attaque aérienne
Bien qu’il soit possible que des équipements agricoles usagés importés des États-Unis soient en partie responsables de l’apparition de ce champignon en Ontario et au Québec, l’agronome croit qu’il faut plutôt pointer vers le ciel pour trouver le coupable: « Les vents du sud-ouest balaient des champs contaminés et les spores sont emportées sur de très grandes distances, avant d’atterrir ici », précise-t-il.
Si la présence du champignon ne fait plus aucun doute dans l’Est ontarien, l’agronome croit qu’il est trop tôt pour peser sur le bouton “panique”: « La spore a besoin de conditions climatiques particulières pour se développer: la feuille doit être mouillée pendant sept à huit heures, et le temps doit rester humide par la suite, la température n’excédant pas 17 à 23 degrés. Si le mercure augmente à 30 degrés, la spore n’y survit pas. »
Encore là, il convient de mentionner qu’il arrive que des spores de taches goudronneuses présentes sur des feuilles à l’automne, survivent pendant l’hiver et contaminent les plants au printemps.
Et si les spores arrivent du ciel, la contre-attaque vient en hauteur aussi, puisque le fongicide ne peut être appliqué qu’à la fin juillet ou au début d’août, quand le plant fait deux à trois mètres de hauteur. « Ça nécessite des équipements hauts sur pattes ou spécialisés, ce que les agriculteurs n’ont pas toujours à portée de main », dit M. Quesnel.
Savoir, c’est pouvoir
Albert Tenuta est phytopathologiste de vulgarisation au ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario. Selon lui, la clé de la prévention, c’est l’information.
« Nous avons deux stratégies pour faire face à une éventuelle propagation de la tache goudronneuse », dit-il. « La première est de surveiller la situation dans les régions déjà affectées comme l’État de New York ou le Sud-Ouest de l’Ontario. Pour l’instant, la présence du champignon dans l’Est est encore un cas isolé. En 2025, l’important sera d’inspecter les champs dès la mi-juillet pour faire du repérage. »
Dans l’éventualité où des taches goudronneuses seraient constatées, le spécialiste préconise une approche prudente et mesurée. « Il n’existe pas d’espèces hybrides de maïs qui soit à l’épreuve de ces spores. Même une fois qu’on les détecte, il faut compter deux ou trois semaines avant qu’elles soient développées. On a constaté que vaporiser des fongicides de manière préventive tôt dans la saison n’est pas une garantie que les taches n’apparaîtront pas plus tard dans la saison. L’application idéale se situe entre l’apparition des soies de maïs et le stade R2 de développement. »
Quant à la menace que pose la maladie, M. Tenuta tient à nuancer les choses: « On a vu la rouille du soya arriver des États-Unis il y a quatre ou cinq ans et la maladie a eu de la difficulté à s’implanter ici. Les agriculteurs sont déjà familiers avec d’autres types de conditions qui affectent parfois le maïs. On ne conseille pas l’utilisation de fongicide à moins que ce soit vraiment nécessaire. 2025 sera l’année pour attendre de voir comment évoluent les choses », estime-t-il.
IJL – Réseau.Presse – Agricom