Par : Sylvain Charlebois – Lettre ouverte
« La xénotransplantation, appuyée par l’édition génétique, offre à l’humanité une solution de don d’organe sur mesure. Toutefois, cette pratique soulève des questions bioéthiques, surtout en matière de traitement éthique animal. »
Lors d’une intervention chirurgicale inédite, un cœur de porc génétiquement modifié a été greffé chez un Américain de 57 ans atteint d’une maladie cardiaque en phase terminale. Depuis le 7 janvier dernier, le patient se porte toujours bien avec son cœur de porc transgénique. Cette intervention chirurgicale, réalisée par une équipe de l’Université de médecine du Maryland, illustre la faisabilité d’une greffe de cœur porc-humain, rendue possible par de nouveaux outils d’édition du génome. Malgré l’opération, le patient reste toujours branché à une machine de pontage cœur-poumon pour le maintenir en vie. Lors d’une greffe, cette procédure n’est pas hors du commun. La science permet maintenant la xénogreffe par le biais de l’édition génétique ; une première, selon les dirigeants de l’Université.
La production agricole supporte notre filière agroalimentaire depuis le début des temps pour nourrir les humains. Au fil des ans, elle a aussi développé de nouvelles vocations, notamment pour l’industrie énergétique. Maintenant, certains chercheurs contemplent la production animalière pour aider le secteur de la santé qui connaît un manque criant d’organes. À tout moment, on compte entre 4 000 et 5 000 personnes en attente d’un organe au Canada. Et chaque année au pays, entre 200 et 250 individus meurent en attente d’une greffe d’organe. Pour le patient du Maryland, la xénotransplantation représentait la seule option thérapeutique, sinon une mort certaine l’attendait. De toute évidence, la xénotransplantation peut sauver des vies, mais certaines personnes se poseront sûrement des questions sur l’aspect éthique et moral d’élever des animaux dans le but de produire des organes pour sauver des vies humaines.
Au Maryland, afin de procéder avec la chirurgie expérimentale, l’Université a obtenu une autorisation d’urgence de la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis une semaine avant l’opération dans le cadre de son programme d’utilisation compassionnelle. Quelques jours plus tard, le porc-donneur, élevé dans un environnement hyperaseptisé, a été abattu afin d’y extraire son cœur.
Cependant, il faut admettre que le concept de l’édition des gênes d’un porc dans le but de rendre ses organes compatibles à un humain désigné peut créer un malaise auprès de certaines personnes. Mais la science nous invite à un débat de fond.
Des discussions sur la xénotransplantation durent depuis des années, mais pour la première fois nous avons réalisé une opération avec succès en modifiant le profil génétique d’un porc afin d’éliminer les possibilités de rejet immédiat. Pendant des années, des reins de chimpanzés ont été transplantés chez des patients humains, même un cœur de babouin chez un bébé, mais la période de survie n’a jamais dépassé quelques semaines. Après une série d’échecs, la communauté scientifique avait momentanément abandonné la xénotransplantation jusqu’au moment où le porc fut considéré. La production porcine se prête mieux à la xénotransplantation puisqu’il est possible d’obtenir un organe d’une dimension adéquate avant six mois. De plus, des valves cardiaques porcines se retrouvent déjà chez plusieurs humains tout comme la peau du porc qui sert de greffon pour venir en aide aux grands brûlés. Ce n’est donc pas nouveau, mais la xénogreffe d’un cœur de porc est sans précédent. Nous sommes rendus là.
Toutefois, avant de juger et de condamner la pratique comme telle, il faut aussi considérer l’enjeu égalitariste des transplantations. Un aspect caché des greffes est en lien avec les groupes racisés. Une personne noire, asiatique ou autochtone a moins de chances qu’une personne blanche de trouver un donneur possédant la compatibilité sanguine et tissulaire. Les maladies chroniques ainsi que les antécédents génétiques et sanguins rendent plus difficile la recherche d’un donneur compatible. Ces patients ont entre 50 % et 70 % moins de chances d’obtenir un organe lorsqu’elle se retrouve sur la liste d’attente. Avec l’édition génétique animale, il devient scientifiquement possible de produire un organe compatible pour tout le monde, peu importe le bagage génétique de l’individu malade. Autrement dit, la xénotransplantation a le potentiel de démocratiser davantage le don d’organe et d’apporter une solution à la pénurie d’organes.
En somme, la xénotransplantation, appuyée par l’édition génétique, offre à l’humanité une solution de don d’organe sur mesure. Toutefois, cette pratique soulève des questions bioéthiques, surtout en matière de traitement éthique animal. Le risque de transmettre certains virus porcins à l’humain reste toujours présent. À la lumière de la pandémie que nous vivons depuis près de deux ans, cet aspect revêt un caractère non négligeable. Nous n’en savons pas beaucoup sur les pratiques d’édition génétique appliquée sur le porc qui permet au cœur de cesser de grandir une fois dans le corps de l’humain ni sur la destinée de la carcasse du porc-donneur. La compagnie responsable de cette technologie, Revivicor, demeure discrète.
Revivicor aurait pu au moins offrir au porc un nom symbolique, comme les chercheurs l’ont fait avec la brebis Dolly. Après tout, le porc reste le véritable héros dans cette affaire.
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