le Lundi 20 janvier 2025
le Mercredi 30 octobre 2024 13:07 Élevages

Gaspillage de lait ou d’encre?

Les vaches canadiennes ne font pas couler que du lait; elles font aussi couler beaucoup d'encre ces temps-ci.
Les vaches canadiennes ne font pas couler que du lait; elles font aussi couler beaucoup d'encre ces temps-ci.
Les producteurs laitiers jetteraient chaque année une grande quantité de lait, qu’ils le reconnaissent ou non. Une nouvelle étude estime que jusqu’à un milliard de litres de lait pourraient être gaspillés chaque année sur les fermes au Canada. Le plus inquiétant, c’est que, sous le système de la gestion de l’offre, on pourrait éviter ce gaspillage.
Gaspillage de lait ou d’encre?
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Le professeur Sylvain Charlebois affirme que les fermes laitières canadiennes gaspillent des milliards de litres de lait depuis des années et mentent à ce sujet.

Sous le titre ravageur Les producteurs de lait gaspillent, et mentent, encore et encore, le directeur principal du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire à l’université Dalhousie, Sylvain Charlebois a lancé une attaque en règle contre les producteurs laitiers canadiens il y a quelques jours. L’article d’opinion n’a pas tardé à soulever de vives réactions.

Encore la gestion de l’offre

Fait à noter, le communiqué du professeur Charlebois ne détaille pas l’origine du constat qu’il dénonce, référant plutôt à une étude dont les résultats seront publiés en janvier dans la revue Ecological Economics. 

« Le système de gestion de l’offre du Canada (SGO), conçu pour équilibrer l’offre et la demande grâce à des quotas de production, devrait normalement empêcher le gaspillage de lait  », explique le professeur. « Pour éviter des variations dans la production de lait de leurs vaches, les producteurs ramassent souvent une quantité de lait plus grande que nécessaire, ce qui cause beaucoup de gaspillage. »

Il estime en outre que pendant qu’ont lieu ces déversements de lait, de nombreux Canadiens ont recours aux banques alimentaires pour se nourrir, ce qui rend ce gaspillage encore plus inacceptable sur le plan moral. « Les quotas, instaurés dans le but de stabiliser le secteur laitier pour le bien de tous, semblent plutôt profiter à quelques parties prenantes, au détriment du bien-être social général », dit-il.

Phil Mount affirme qu’il est complètement faux d’affirmer que les fermes laitières gaspillent de grandes quantités de lait.

Un autre son de cloche

Piquée au vif, la National Farmers Union (NFU) n’a pas tardé à répliquer, accusant le professeur Charlebois d’avoir bâclé son travail de recherche, comme l’indique le vice-président aux opérations de la NFU, Phil Mount: « Sylvain Charlebois s’est basé sur des données de Statistiques Canada et a extrapolé ce qui, selon lui, devait être la production moyenne de lait pour arriver à une conclusion qui ne reflète pas du tout la réalité. »

M. Mount va plus loin: « Il est injuste et erroné de s’en prendre aux producteurs laitiers quand on sait que sur 9,6 milliards de litres de lait produits au Canada au cours de l’année laitière 2023-2024, 99,9% de la matière grasse et 99,1% des solides non gras produits dans les fermes canadiennes ont été commercialisés. M. Charlebois ne semble pas avoir cru bon de vérifier les autres sources possibles de pertes dans l’industrie, notamment en transformation », plaide-t-il.

Selon lui, le système canadien de gestion de l’offre doit rester parce qu’il assure une stabilité des prix et fait même l’envie de nos voisins du sud. Le prix élevé du lait industriel canadien, le plus élevé au monde selon Sylvain Charlebois, est également justifié selon la NFU qui rappelle que les fermes laitières investissent des millions de dollars en équipement pour assurer la qualité et, justement, la production stable du lait. 

« Il y a deux générations de ça, on produisait surtout de la crème dans des petites fermes entre le printemps et l’automne », indique M. Mount, lui-même élevé sur une ferme laitière. « Aujourd’hui, une ferme doit avoir des vaches à différents cycles de leur production pour assurer une production stable tout au long de l’année », affirme-t-il.

Réaction

Pour sa part, Sylvain Charlebois reconnaît que les données qu’il avance sont basées sur des spéculations. « Mais la raison principale pour laquelle nous étions dans l’obligation d’effectuer une telle étude est que les producteurs de lait ne publient aucun rapport et ne divulguent aucune donnée, ce qui est insensé. S’ils prétendent que nos données sont fausses, qu’ils publient les informations qu’ils possèdent. »

IJL – Réseau.Presse – Agricom