le Samedi 27 avril 2024
le Mercredi 27 mars 2024 15:13 Cultures

Semences: séparer le bon grain de l’ivraie

L’Union nationale des fermiers craint pour l'avenir des semences communes.
L’Union nationale des fermiers craint pour l'avenir des semences communes.
Peut-on imaginer qu’un jour, un agriculteur ontarien ne pourra acheter que des semences au pedigree contrôlé, à prix fort, sans pouvoir utiliser des semences communes? C’est du moins la crainte exprimée par l’Union nationale des fermiers (UNF), un groupe qui invite les fermiers à participer à un sondage d’opinion d’ici au mois de mai sur cette question.
Semences: séparer le bon grain de l’ivraie
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Présentement, un agriculteur peut utiliser des semences dont le pedigree, ou l’arbre généalogique si l’on veut, peut être retracée sur plusieurs générations. La certification garantit que le lot de semences répond aux normes réglementées en matière de taux de germination et de pureté en ce qui concerne les graines de mauvaises herbes et autres semences de cultures. 

Le fermier peut aussi utiliser des semences dites communes, généralement moins chères. Elles ne sont pas réglementées en termes de pureté variétale; il s’agit de la descendance de variétés enregistrées dont la qualité de performance a été prouvée. Les variations génétiques qui se développent au sein des semences communes peuvent être le résultat d’une adaptation aux conditions locales sur plusieurs années. 

Les semences communes vont-elles disparaître?

« Les grandes sociétés semencières aimeraient avoir un contrôle total sur les semences, ce qui leur permettrait de gagner plus d’argent en obligeant les agriculteurs à payer des prix élevés pour les semences chaque année », explique Cathy Holtslander, directrice, Recherches et Politiques à l’UNF. « Rendre illégale ou trop coûteuse l’utilisation de semences communes les aidera à prendre le contrôle des semences – et donc de nos systèmes agricoles et alimentaires. Ils ont des lobbyistes bien payés qui travaillent pour influencer les réglementations. »

Le Processus de modernisation règlementaire des semences a débuté en 2020 et devrait se terminer en 2025; ensuite, l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) pourra utiliser ces recommandations pour modifier les règles en vigueur. L’Union estime que le sondage, qui se termine le 1er mai, est un moyen pour les agriculteurs de faire savoir directement à l’Agence ce qu’ils souhaitent voir comme réglementation future.

Pousse, mais pousse égal

La plupart des agriculteurs et spécialistes rejoints par Agricom ont avoué entendre parler de cette controverse pour la toute première fois. Karine Bercier, copropriétaire du Centre de criblage Marc Bercier à St-Isidore estime que l’UNF pousse trop loin son interprétation du processus de l’ACIA: « Ils ne mettront pas fin à la production de semences communes, on n’en est pas du tout là », estime-t-elle.

« Le problème vient de ceux qui réutilisent les semences année après année et qui les vendent sans contrôle de qualité. Les producteurs doivent pouvoir mettre fin à une lignée si elle ne répond plus à la demande ou au contrôle de qualité. Un producteur d’avoine du nord ontarien nous a avisés qu’il allait cesser sa production de semences parce qu’elles ont été contaminées au folle avoine, dont la présence est strictement interdite au Québec et très contrôlée en Ontario. Il croit que la mauvaise herbe provient de producteurs qui n’exercent pas de contrôle de qualité. »

Karine Bercier estime qu’il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. « Il y a des suggestions très valides dans la réforme. Même la Canadian Seed Growers Association estime que les semences communes sont là pour rester. »

IJL – Réseau.Presse – Agricom