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le Mercredi 2 novembre 2022 13:55 Élevages

Un hiver rude en vue pour l’industrie de la plume

Un hiver rude en vue pour l’industrie de la plume
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Les producteurs de l’industrie de la plume auront un hiver compliqué par la grippe aviaire. Si d’ordinaire, la grippe aviaire est un problème récurrent, mais surtout coordonnés avec les passages des oiseaux, cette année elle est bien enracinée. Le virus est entré en Ontario par les oiseaux migrateurs le printemps dernier et n’est jamais reparti. La chaleur de l’été a pu donner une pause aux producteurs de la province, mais l’hiver s’annonce une tout autre histoire.

Le virus H5N1 est formé de protéines, se préserve à de basses températures. « Malheureusement, ça peut vivre des mois à l’extérieur, 6 à 9 mois dans des températures de 3 degrés », annonce Mark Beaven, directeur de la Coalition canadienne de santé animale.

Le froid hivernal ne serait pas autant un problème, si les oiseaux qui étaient le plus affectés par les virus quittaient la province. Selon Christopher Sharp, biologiste spécialiste en gestion des populations pour Environnement Canada, les changements climatiques expliquent en partie cette modification du comportement des oiseaux migrateurs. « ​​Historiquement, l’hiver était plus difficile, les oiseaux quittaient, les Grands Lacs », explique-t-il.

Les pratiques agricoles ont aussi leur rôle à jouer dans ce changement. Il cite en exemple les oies des neiges. Autrefois, ces oiseaux s’envolaient vers le golfe du Mexique. Mais la culture du riz au nord des côtes des Grands Lacs est devenue une source fiable de nourriture pour eux. Christopher Sharp ajoute aussi que la pratique de semis direct (no-till) permet à la faune avicole de s’approvisionner pendant l’hiver.

Vigilance

La grippe aviaire n’est pas un phénomène nouveau. La vigilance et le respect des mesures de biosécurité sont les mots d’ordre pour passer à travers cette période difficile. « Nous autres, la grippe aviaire, on la regarde de près depuis plusieurs années », déclare Marcel Laviolette, directeur de la Zone 10 de Egg Farmers of Ontario et propriétaire de la Ferme avicole du même nom à St-Isidore.

Pour aider à la surveillance des troupeaux, la technologie vient en aide aux producteurs, comme c’est le cas à la ferme avicole Joly Drouin et Filles située à Plantagenet dans l’Est de l’Ontario. Marie-Claude Drouin explique qu’elle a un système d’alarme pour les avertir lorsque la consommation de moulée est sous un certain niveau. Même chose pour la production d’œufs. Malheureusement, le virus de la grippe aviaire est si foudroyant que son premier signe est un troupeau décimé. Une situation à laquelle elle n’a jamais eu à faire face.

Elle n’est pas rassurée pour autant. « On va retenir notre souffle tout l’hiver, c’est quelque chose qu’on sait, qu’on fait de notre mieux. La priorité no1 c’est le bien-être et la santé des animaux », précise Marie-Claude Drouin.

Cette année, il n’y a eu aucune contamination de ferme en ferme. Le virus est rentré à chaque fois par un contact avec un oiseau sauvage. Une situation dans laquelle les travailleurs du milieu ont peu de contrôle. « C’est un stress pour les producteurs. Du jour au lendemain, un producteur peut perdre son gagne-pain », souligne Marcel Laviolette. Il poursuit en précisant que les délais pour répartir un troupeau peuvent s’étendre sur 12 mois et que les mesures d’aide financière peuvent aussi se faire attendre.

Dans toute cette situation, il y a 2 grandes craintes. Celle de voir les gens relâcher les mesures comme pour la Covid-19. À cela, le directeur de la zone 10 répond que ça peut arriver, « Mais, il ne faut pas juste penser à notre petit je, mais à l’industrie au complet », précise Marcel Laviolette.

Son autre crainte est que le virus entre dans les couvoirs. « La grosse crainte ce serait d’avoir les couvoirs d’infecter. En Ontario, il y a 2-3 couvoirs majeurs dont on dépend. Ça serait vraiment un problème si la grippe aviaire rentrait là-dedans », explique le producteur d’œufs. Parce que cela compromettrait la stabilité de l’industrie ontarienne.

Combattre la grippe aviaire… en se faisant vacciner

Il y a bel et bien un lien entre la grippe aviaire et la grippe saisonnière humaine. La vétérinaire pour le ministère ontarien de la Santé, Heather McClinchey, avertit qu’«il faut se méfier de ce type de virus, car il peut changer rapidement». C’est pourquoi elle souligne qu’il faut «se faire vacciner contre l’influenza». La grippe saisonnière et la grippe aviaire sont toutes les deux des maladies de type influenza. Celle qui afflige les oiseaux est de type A et celle qui affecte l’humain est de type B ou C. Toutefois, pour éviter la mutation de virus, il est préférable que les travailleurs aient un système immunitaire fort. Ainsi, ils sont moins susceptibles de contracter le virus de la grippe aviaire et de contribuer à sa mutation.

La spécialiste rappelle toutefois que la contamination d’oiseaux à humains s’est faite par le contact direct avec un oiseau vivant infecté. Sur les 3 cas connus, 2 étaient asymptomatiques et les 3 se sont parfaitement rétablies.

Ce point, Marcel Laviolette tient à le réitérer, «il n’y a pas de danger d’attraper la grippe aviaire en consommant des produits de la volaille. La grippe aviaire n’est pas dangereuse pour l’humain».

Ensuite, l’autre chose à faire est de surveiller l’infiltration de rongeurs. À l’automne, ces derniers cherchent à entrer au chaud, mais ils peuvent être porteurs de la maladie. Comme les mammifères peuvent contracter la grippe aviaire,  Al Dam, spécialiste provinciale de la volaille pour le ministère ontarien de l’Agriculture, conseille de faire attention à éliminer ce type de peste sur vos lieux d’élevage.

Plus facile

En ce moment dans la province, les cas d’infections sont surtout dans l’est de la province. Il y a 4 lieux d’infection. Un périmètre de 3 kilomètres est établi autour de ces lieux. Et autour de cela, il y a un périmètre de zone de restrictions de 7 km.  Si un camion rempli d’œufs doit  passer par ces zones qui s’étalent sur 10 km, il faut absolument un permis. Mais les permis sont plus accessibles à obtenir puisqu’il ne s’agit pas d’infection dans des lieux commerciaux. Il y a aussi maintenant les zones de sécurité. Pour les traverser, il faut des permis plus facile à obtenir. Cette initiative facilite le déplacement des produits de la plume.

Depuis le printemps, certaines mesures se sont modifiées pour faciliter la gestion de l’épidémie. Il y a une bonne distinction entre les infections dans un poulailler commercial, ou une ferme traditionnelle et une infection dans un lieu non commercial. «Les seuls permis que j’aie eu à prendre, c’est un truc à imprimer en ligne », affirme Marcel Laviolette. Ce type de permis général est simple à obtenir et sert à la fois d’avertissement pour les travailleurs du milieu. Ils sont alors conscientisés qu’ils entrent dans une zone où la grippe aviaire a été détectée.  Cassandra Hartwick, de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, explique que «les permis demandés servent à suivre les mouvements de tout ce qui concerne les œufs  ou les produits de la volaille. S’il  y a une infection, on peut remonter vers toutes les personnes concernées ».

Les troupeaux de basses-cours

En ce moment, la plupart des cas détectés en Ontario l’ont été dans des troupeaux de volaille non destinés à la commercialisation. Le seul cas répertorié dans une ferme commerciale est dans le comté de Wellesley à l’ouest de Kitchener dans le sud de la province.

La situation préoccupe ceux dont c’est le gagne-pain. « Ce qui est plus inquiétant c’est monsieur tout le monde qui a 2-3 poulets ou canards, ce sont nos pires ennemies. Nous autres, on fait notre [protocole de] biosécurité et on essaye de renforcer tout ça», déclare Marcel Laviolette C’est que les troupeaux commerciaux sont suivis et sensibilisés régulièrement à la grippe aviaire. Ce qui n’est pas le cas des propriétaires de troupeau de basses-cours (backyard flock).

Supposer que la maladie a disparu lorsque l’oiseau est mort est une erreur – Al Dam, spécialiste provincial de la volaille pour le ministère ontarien de l’Agriculture

Al Dam, précise sa pensée:  «il ne suffit pas d’enterrer les carcasses d’animaux, il faut détruire toutes les sources d’infection. Il faut désinfecter tout ce qui a pu être en contact avec l’animal.» Sinon, le prochain troupeau est condamné d’avance.

Pour Marie-Claude Drouin, l’important «c’est de sensibiliser le public, même quand c’est des troupeaux de basses-cours. Je suis sûre que ces personnes-là aiment leurs animaux et les oiseaux en général ils ne voudraient pas que ça se propage et que sa cause de la mortalité.»

À son tour, Ashley Honsberger directrice exécutive du Conseil de l’industrie de la volaille (Poultry industry Council) a un conseil « ce n’est pas le temps d’élargir vos troupeaux de poule»