le Samedi 27 avril 2024
le Vendredi 9 février 2024 10:32 Forêts

La fin prochaine du sirop d’érable?

Il faut un minimum de 75 ans pour qu'un érable puisse être utilisé par un acériculteur.
Il faut un minimum de 75 ans pour qu'un érable puisse être utilisé par un acériculteur.
La menace d’une pénurie de sirop d’érable au Canada est bien réelle. La raison? Des érablières trop âgées. « La majorité de nos arbres sont plus vieux que la Confédération canadienne, ils ont entre 200 et 300 ans », estime Samuel Larivière de la Ferme Côte d’érables Inc. (Maple Hill Farm) au nord de Sudbury. « Même en plantant de nouveaux érables aujourd’hui, il leur faudra de 75 à 80 ans avant de fournir de l’eau d’érable en vue de produire du sirop. »
La fin prochaine du sirop d’érable?
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40 litres d’eau d’érable produisent un litre de sirop!

La petite entreprise existe depuis au moins 100 ans et aurait été créée par des colons mennonites allemands. Acquise par la famille Larivière en 2017, elle compte 1 300 érables qui fournissent chacun un ou deux litres d’eau par jour au printemps. « Il faut 40 litres d’eau pour faire un litre de sirop. Or, les érables sont capricieux et il suffit de peu de chose pour réduire leur production de 50% », dit-il.

Bonne intention, mauvais résultats

L’hiver, l’érable stock ses réserves de sucre dans ses racines, qui sont en surface. Si la couverture de neige est trop épaisse, la collecte printanière sera moins bonne. Pas assez de neige, le gel peut endommager l’arbre. Hiver doux? Le sucre remonte et l’arbre risque d’avoir moins d’énergie pour lutter contre les insectes comme les chenilles. 

« Les sécheresses plus fréquentes et l’arrivée d’insectes en provenance des États-Unis comme la Longicorne asiatique sont des conséquences bien réelles des changements climatiques », explique le spécialiste Christian Massé, professeur d’écologie aux Université du Québec de l’Outaouais et de Montréal. « En éliminant les autres espèces d’arbres pour ne conserver que les érables à sucre, les acériculteurs ont augmenté leur production à court terme, mais ils ont rendu leurs érablières très vulnérables. »

Selon l’expert, une moyenne de 20% d’autres essences de bois dans une érablière ( par exemple chêne, tilleul, peuplier ) permet d’attirer des insectes et des oiseaux pour un meilleur contrôle des parasites.

Des solutions

Si le climat se réchauffe, planter des érables plus au nord serait-elle une bonne solution? « Même si on a l’impression que les hivers s’adoucissent, ce n’est pas suffisant à mon avis pour penser à exploiter des érablières plus au nord, où on a d’autres enjeux comme la durée d’ensoleillement et la forte présence de conifères », estime Samuel Larivière, qui souligne que la migration des érable se fait très lentement, sur des centaines d’années.

Christian Massé réfute l’argument. « On doit commencer à penser à introduire au Québec des érables en provenance du sud des États-Unis, qui sont identiques aux nôtres sauf pour leur génétique mieux adaptée aux grandes chaleurs. Quant à l’ensoleillement, il est en fait plus long l’été au nord. »

Une autre solution selon lui est d’aménager une sorte d’incubateur d’érables. « On peut protéger les jeunes érables des ravages causés par les chevreuils qui broutent les jeunes pousses en aménageant une clôture de deux ou trois mètres de haut autour du périmètre de la plantation. On déplace la clôture quand les arbres sont hors d’atteinte, et on aménage l’érablière avec une variété d’essences et d’âge des plants pour une résilience accrue aux stresseurs », dit-il.

IJL – Réseau.Presse – Agricom